• Le Médecin de Campagne - de Stephan LEWIS -

     

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    Le Médecin de Campagne
     
    Stephan LEWIS
     
     
            Paul et Marie sont passés devant monsieur le Maire il y a de cela près de trente cinq années. Paul est médecin de campagne à Saint-Marcan, petit village d'Île-et-Vilaine, qui compte un peu plus de 400 âmes. Il est le seul généraliste sur place. De très bonne heure le matin, il sillonne les routes départementales pour se rendre chez ses nombreux patients des villages avoisinants, avant de commencer ses consultations. Ses visites à domicile effectuées chez les personnes âgées ayant des difficultés à se déplacer sont devenues indispensables. Il a fait le choix d'exercer dans cette voie par vocation, mais la profession en zone rurale ne fait plus rêver. Si bien que, malgré son âge avancé, il n'a pas encore pris le temps de penser à la retraite, n'ayant pas réussi à trouver de successeur. La relève risque en effet de ne pas être assurée et son cabinet est certainement voué à disparaître.
     
            Marie, quant à elle, s'occupe de la maison et gère l'emploi du temps de son époux.

            En ce mois de décembre, Noël est proche et une sévère épidémie de grippe sévit dans le secteur. Etant donné les besoins et la carence en praticiens généralistes, Paul est très sollicité. Après une journée harassante, il est rentré tard dans la soirée prendre un léger repas à la hâte. Ses visites n'en sont pas pour autant terminées. Quelques malades restent à voir dans la localité voisine. Il a donc informé son épouse qu'il ne rentrerait que tard dans la nuit et qu'elle ne devait pas l'attendre pour se mettre au lit.
     
            22 h 45 ...
     
            Marie, après avoir suivi un documentaire à la télévision, n'a pas tardé à se coucher. Elle en a maintenant pris l'habitude. Les obligations de son mari sont devenues monnaie courante dans ce milieu agreste frappé par la désertification médicale. Elle n'a d'ailleurs pas tardé à s'endormir.
     
            2 h 06 du matin ...
     
            Marie vient de se réveiller, tandis que l'horloge du salon égrène inlassablement les secondes. L'esprit engourdi elle constate, en tâtonnant et avec soulagement, que Paul est rentré. Sans prendre le risque de le réveiller, elle s'est tournée de son côté. Il dort sur le dos, d'un sommeil réparateur lent et profond. Comme toujours, il a encore eu la délicatesse de ne pas la déranger en se glissant discrètement sous les couvertures. Rassurée qu'il ne soit plus sur les routes de campagne à cette heure de la nuit et par ce temps, elle s'est penchée pour lui déposer un baiser sur le front. Le dormeur a grogné avant de changer sa position pour s'installer sur le côté opposé à son épouse. Sans allumer, afin d'éviter de le réveiller, Marie s'est versée un verre d'eau avant de se rendormir.
     
            Elle sommeille depuis d'une demi heure, lorsque le tintamarre de la sonnette d'entrée résonne dans toute la maison, la réveillant en sursaut. Le cœur battant, elle met quelques instants à réagir ... Paul dort du sommeil du juste, il ne semble n'avoir rien entendu. Etant habituée aux appels de nuit lors de cas urgents, elle s'est pressée de s'extirper du lit et s'est dirigée vers la porte d'entrée après avoir enfilé une robe de chambre et chaussé ses savates.
     
            Surprise ... !!!!!! La porte s'est ouverte sur son mari.
     
            - Paul ! Mais que ...? s'effare-t-elle, d'une voix aussi tremblante qu'émotionnée, ne trouvant plus ses mots, détaillant son époux d'un air aussi hébété qu'éberlué.
     
            - Excuse-moi de t'avoir réveillée. J'ai oublié mes clés. Et comme un pépin n'arrive jamais seul, j'ai aussi perdu ma montre à gousset. Mais que t'arrive-t-il, tu sembles terrorisée ! Je suis si laid que cela ?... plaisante-t-il en souriant.
     
            - Non, mais tu ... tu es déjà à la maison ! Je viens encore de te voir dans notre lit !... !, balbutie-t-elle, la mine stupéfaite, en refermant la porte d'un mouvement désemparé.
     
            - Cela m'étonnerait... sourit Paul en se défaisant de son manteau. Je reviens de Cherrueix (village situé à 10 km de Saint-Marcan). Je me suis trouvé dans l'obligation de faire hospitaliser mon patient. J'ai dû perdre ma montre à ce moment là en aidant l'ambulancier à l'emmener. Et comme tu peux le constater, c'est bien moi en chair et en os... conclut-il en riant.
     
            - Mais pourtant tu... persiste-t-elle avec un geste d'évidence, peinant à terminer ses phrases et se dirigeant d'un pas hésitant vers la chambre... Tu étais encore ici il y a un instant... insiste-t-elle avec un tremblement dans la voix, tout en constatant que le lit est inoccupé... Je ne comprends pas... s'émeut-elle à présent, la tête entre les mains, visiblement sur le point de perdre la raison.
     
            - Tu as rêvé... sourit encore Paul. Tu as transité de l'état de rêve à la réalité. Cette forme de pathologie est imputable à la fatigue. Ma présence que tu as cru constater tout à l'heure, est le fruit de ton imagination... commente-t-il en se débarrassant de ses vêtements pour enfiler son pyjama.
     
            Peu convaincue, Marie a exhalé un soupir de résignation avant de se remettre au lit ; tandis que Paul a écarté les draps pour s'y glisser à son tour. Il se préparait déjà à éteindre la lumière de sa lampe de chevet, quant un petit objet brillant, posé sur sa taie d'oreiller, a attiré son attention.
     
            Les sourcils en accents circonflexes et la bouche grande ouverte, il est demeuré figé comme une statue.
     
            - Qu'y a-t-il ?... s'inquiète aussitôt Marie, posant à son tour son regard sur l'objet... Mais ... c'est ta montre à gousset !!!!!!!
     
    * (droits déposés)
     

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