•           Le Téléphone                                                                                  

    - Stephan LEWIS -
         

     
           Catherine et Julie, deux amies âgées de 14 ans, ont obtenu la permission parentale de partager la soirée et la nuit de vendredi à samedi.
          
           La première a donc invité la seconde, fière de lui faire découvrir son univers. La maison est très spacieuse. Elles ont passé la fin de la journée au sous-sol où se trouve la salle de jeux.
          
           Vers 20h30, les parents de Catherine, conviés à une soirée, ont fait leurs recommandations aux jeunes filles, afin que tout se déroule sans incident durant leur courte absence. Il a été convenu qu’elles regarderaient le film comique joué à la télévision avant de se mettre au lit.
         
            22 h 40 …
     
            - Il est déjà l’heure d’aller se coucher … soupire Catherine, négligemment allongée sur le canapé, se lissant ses longs cheveux blonds d’une main distraite.
           
            - Tu as sommeil ?… s’enquiert Julie, installée confortablement au creux d’un fauteuil et manifestement peu encline à se mettre au lit.
            
            - Non pas trop. Et toi ?         
           
            - Moi non plus. 
           
            - J’ai une idée… se réjouit déjà Catherine, l’air amusé, en éteignant le récepteur… Si on faisait une farce à quelqu’un avec le téléphone ?… suggère-t-elle à brûle-pourpoint, le visage éclairé d'un sourire espiègle.    
           
            - Une farce ?… s’étonne Julie, en affichant une mimique de surprise.
           
            - Oui, une blague quoi. Je me suis déjà prêtée à ce petit jeu. Tu verras, c’est marrant. Tu appelles une personne au hasard et tu lui poses une question débile. Elle ne tarde pas à se mettre en colère. Et hop, tu lui raccroches au nez !
           
            - Super ! Allez on le fait… s’enthousiasme déjà Julie en étouffant un bâillement, mais apparemment emballée par l’idée saugrenue de son amie. 
          
            C’est donc sans attendre, que Catherine s’est emparée d’un combiné, sur le clavier duquel elle s’est mise à pianoter fortuitement un numéro.
          
            Une voix d’homme, à l’intonation peu amène, ne tarde pas à se manifester à l’autre bout du fil.
          
            - Allô ! Qui est à l’appareil ?… se presse-t-il de demander.
          
            - Bonsoir monsieur. C’est pour une enquête… feint Catherine, tandis que son amie se retient de pouffer de rire.
           
            - Une enquête !… s’étonne l’autre… Et à cette heure ?  C’est une plaisanterie !… suspecte-t-il encore.
           
            - Non, non monsieur. On voulait simplement savoir … si votre grand-mère faisait du vélo ?… raille-t-elle effrontément en éclatant d’un rire moqueur, avant de replacer précipitamment le combiné sur son support, écourtant prématurément ce bref babillage.
         
            Subitement sujettes à un fou rire incontrôlable, les deux adolescentes mettent plusieurs minutes à récupérer, avant de pouvoir échanger leurs impressions sur la farce qui vient d’être jouée et qu’elles savourent sans aucune retenue.
         
            - C’est curieux… glousse Catherine, la remarque involontairement entrecoupée de rires spasmodiques et étouffés … mais il me semble connaître la voix de ce type !… confie-t-elle, perplexe.
          
            - Ce serait vraiment une coïncidence, étant donné que tu as composé un numéro au hasard… s’étonne Julie, les yeux larmoyants, maîtrisant avec peine cette hilarité communicative.
          
            La sonnerie du téléphone qui a retenti, a mis un terme à cette jubilation exubérante, qui s’est éteinte dans une sorte de hoquet
          
            - Tu .. tu crois que c’est « lui » qui rappelle ?… appréhende subitement Julie, dont la liesse d’un instant a fait place à l’inquiétude.
          
            - On répond ?… hésite Catherine, prise du même doute.
         
            - C’est peut-être quelqu’un d’autre…  escompte Julie, sans grande conviction.
          
            - A cette heure !… souligne Catherine, la moue dubitative.
         
            Plongées dans la même incertitude angoissante, les deux adolescentes subissent à présent les assauts incessants du timbre téléphonique, qui leur vrille les tympans avec acharnement.
        
            - Et si c’étaient tes parents désireux de s’assurer que tout va bien !… rappelle Julie.
        
            - Tu as raison. Et de toute manière, si c’est ce type, on s’excusera. C’était pas bien méchant après tout… minimise Catherine, banalisant la plaisanterie d’un geste d’indifférence.
        
            Ce disant, elle se décide à décrocher ...
         
            Mais à l’autre bout du fil, c’est un silence de mort tendu et inquiétant qui répond à leur attente …Plusieurs secondes s’écoulent, sans que leur mystérieux correspondant daigne se manifester. 
         
            Les deux intéressées ont échangé des regards étonnés. Et c’est avec un haussement d’épaules, que Catherine a replacé l’appareil sur son support.
        
            - Certainement une erreur de numéro… soupire-t-elle.
        
            Mais elles ont aussitôt sursauté, la sonnerie du téléphone retentissant de nouveau.
        
            D’un geste hésitant, Catherine a libéré le combiné de son support.
        
            - Allô !… J'écoute !…risque-t-elle timidement, avec un tremblement d’inquiétude dans la voix.
         
            - On ne se moque pas impunément du monde comme vous le faites mesdemoiselles… lui rétorque la voix déjà entendue ultérieurement.
        
            - C’est lui !… chuchote Catherine, subitement mal à l’aise.
        
            - Votre raillerie ne m’a pas amusé… poursuit l’autre d’une voix sèche reflétant son mécontentement d’avoir été la victime de ce quolibet à pareille heure.
         
            - Je m’excuse de vous avoir importuné monsieur. J’espère que vous n’êtes pas fâché ?… se confond Catherine d’une voix déconfite et modulée, adoptant un ton volontairement innocent, voire contrit.
         
            - Vous allez pouvoir le constater par vous-mêmes. Car vous êtes deux, si je ne me trompe ?
         
            Les intéressées ont échangé des regards déroutés.
         
            -  Comment ça le … constater… a pâli Catherine en déglutissant nerveusement à plusieurs reprises, au risque de s’étrangler..
         
            - J’ai votre numéro. Je peux savoir où vous êtes. Je vais me rendre à votre domicile. J’ai une sainte horreur des farces imbéciles. Je vais vous découper en petits morceaux. .. menace-t-il avec une ironie glacée dans le son de sa voix. 
         
            Et l’inquiétant personnage a aussitôt raccroché, laissant les deux adolescentes dans l’expectative.
        
            - Tu crois qu’il était sérieux… frissonne Julie, perplexe.
        
            - Il a certainement voulu nous faire peur pour nous punir de l’avoir éconduit de la sorte… tente de dédramatiser son amie, le visage blême, désireuse de s’en persuader elle-même. 
        
            Mais elles ont de nouveau tressailli, le timbre du téléphone résonnant une nouvelle fois.
         
            La main tremblante, Catherine a hésité durant une poignée de secondes avant de se décider à se saisir du combiné et a conjointement connecté le haut parleur.
        
            - C’est encore ce cinglé … pressent Julie d’une voix angoissée …
        
            Catherine n’a pas eu le temps d’apporter de réponse, qu’une voix se manifeste à l’autre bout du fil …
        
            - Encore envie de fanfaronner, jeunes filles ?… ricane-t-elle.
        
            - C’est lui !… a frémi Catherine, croisant le regard désemparé de son amie, dont la blancheur du visage s’est intensifiée.
         
            D’un geste à la fois nerveux et paniqué, elle s’est pressée de raccrocher à son tour. 
         
            Sans échanger le moindre mot, les deux adolescentes, déconcertées et éperdues, gardent le regard rivé sur le téléphone. Immobiles et semblables à des statues de marbre, plongées dans une hypnose démentielle, elles ont tressauté à sa sonnerie intempestive qui troue à nouveau le silence. Elle résonne sans répit encore et encore dans leur corps, dans leur tête, telle une menace grandissante à travers la nuit. Les nerfs à vif, manifestement résignées à subir l’impensable, elles se sentent, l’une comme l’autre, incapables de continuer à faire face à cette situation devenue insupportable et qui menace de leur faire perdre la raison.
         
            Et c’est bientôt le répondeur qui assure la relève. 
         
            - Je suis devant votre porte. Je vais entrer régler mes comptes … menace cette fois la même voix, les ramenant à la réalité.
         
            Un cri d’effroi s’est échappé des lèvres des deux amies en plein désarroi, qui ont échangé des regards affolés.
        
            - La lumière !… Eteins la lumière !… s’est écriée Julie d’une voix blanche, complètement paniquée.
        
            La pièce est rapidement plongée dans le noir et les verrous tirés précipitamment ; tandis que des coups secs et violents sont à présent assénés contre la porte d’entrée.
        
            Au bord des larmes et le cœur battant à un rythme endiablé, les deux infortunées, les traits crispés, s’imaginent leur dernière heure arrivée.
        
            Puis, subitement, plus rien … silence total …leur calvaire semble avoir pris fin. Seul, un chien hurle dans la pénombre de la rue déserte.
        
            - Que fait-on ? Il va revenir !… balbutie Julie, le visage blême, agité d’un tremblement nerveux.
        
            - Je ne sais pas. J’ai peur… sanglote Catherine.
        
            Plusieurs minutes se sont à présent écoulées, sans que la menace ne se soit de nouveau manifestée.
        
            - Son numéro est encore sur l’écran du téléphone… mentionne Catherine avec des fragments de sanglots dans la voix... Je vais le rappeler pour le prier de cesser ses absurdités. Faute de quoi je l’avertis que je préviens la gendarmerie.
         
            - Espérons que ce cinglé nous laissera tranquilles… hoquette Julie, en essuyant une larme d’un revers de main, tandis que son visage tendre et juvénile aux taches de rousseur, continue de refléter la plus extrême frayeur.
         
            D’une main tremblante, Catherine s’affaire aussitôt à rappeler l’inconnu, d’après ses coordonnées demeurées en mémoire.
         
            - « Le numéro que vous avez composé n’est pas attribué ou n’est plus en service. Nous regrettons de ne pouvoir donner suite à votre appel » indique une bande passante.
        
            Les deux jeunes filles ont échangé des regards interdits.
        
            - Tu t’es trompée … présume  tout naturellement Julie.
        
            - J’ai utilisé la touche « bis » !… se justifie Catherine en faisant une nouvelle tentative.
        
            Mais c’est le même message d’erreur qui se fait de nouveau entendre.
         
            - J’y pense… se ravise Julie, la mine réfléchie… Sur ton ordinateur, tu peux chercher le nom de cette personne à l’aide du numéro inversé. Nous saurons immédiatement où elle habite !  
        
            -  Bonne idée… acquiesce Catherine en s’exécutant promptement.
           
            ………. Surprise … ! ! ! !
        
            - C’est … c’est le numéro de … de mon voisin d’à côté … murmure cette dernière du bout des lèvres.
        
            -  Cela explique tout ! Tu vois bien que c’était une plaisanterie… anticipe Julie…Il a reconnu ton numéro et a voulu te faire une farce à son tour. Ce qui est tout de même étrange, c’est la teneur de ce message indiquant que son numéro ne soit plus attribué. 
        
            - Non. C’est impossible… hoquette Catherine, la lèvre inférieure légèrement tremblante, tandis que ses traits reflètent la plus vive terreur.
        
            - Comment ça impossible ?… s’étonne Julie. 
        
            - Parce que la maison est vide. Cet homme qui vivait seul, est décédé la semaine dernière ...
     
     
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  •                            Le Cimetière 

                                                        - Stephan LEWIS -

            

             Certains cimetières sont des endroits propices à l'éclosion du fantastique. Leur atmosphère étrange et inquiétante inspire les plus terrifiantes légendes. C’est le lieu privilégié des goules, des fantômes et des vampires.

             1er novembre 2010 … 5 h 05 du matin …

            A l’aube naissante de la Toussaint, dans une petite agglomération du nord de la France, deux adolescentes, pressées de rentrer chez elles, empruntent un raccourci passant par le vieux cimetière.

            Alice et Béatrice, deux sœurs âgées respectivement de 15 et 16 ans, reviennent d’une mémorable soirée Halloween, fêtée en compagnie de plusieurs amis. L’ambiance était chaude et la veillée s’est agréablement déroulée. C’est donc avec regret qu’elles regagnent leurs pénates.

            La nappe de brouillard qui s’étend progressivement, tel un voile impénétrable, réduit la visibilité des lieux à peine sortis des ténèbres de la nuit, les rendant plus sinistres encore. Les branches dansent comme des serpents charmés par la musique du vent. Emmitouflées dans leurs parkas, capuches rabattues et malgré l’ambiance lugubre qui s’est installée, les deux adolescentes plaisantent avec insouciance, cherchant leur chemin dans l’obscurité. Elles se remémorent ces instants merveilleux passés précédemment avec leurs amis. Elles sont alors loin d’imaginer qu’elles n’oublieront jamais cette froide nuit d’automne.

            Elles viennent de froncer les sourcils et ont interrompu leur discussion pour prêter l’oreille … Il leur a semblé percevoir un bruit étrange. Quelque chose comme une plainte, une sorte de gémissement. L’incident n’a troublé la tranquillité des lieux que l’espace d’un instant. Puis, plus rien … Le silence s’est aussitôt rétabli.

            Les deux sœurs ont échangé des regards étonnés.

            - Tu as entendu ?… souffle Alice.

            - Qu’est-ce que ça pouvait être ?… murmure Béatrice, en embrassant les alentours d’un œil inquiet et méfiant.

            - Certainement des corbeaux… imagine Alice, comme pour chercher réponse à une anxiété naissante.

             - Ou des revenants. Les fantômes se manifestent plutôt par des bruits de chaînes… plaisante Béatrice, la boutade assortie d’un frisson.

             - Ce ne sont que des croyances ridicules qui ont toujours couru les nuits d’Halloween… banalise Alice, en haussant les épaules.

             - Oui, mais … sait-on jamais… persiste Béatrice d’un ton railleur, l’œil goguenard. N’oublie pas que cette nuit est celle des superstitions. Tous les esprits surnaturels sortent de leurs repaires pour flâner dans la nuit. Démons, fantômes, revenants, sorcières, ogres, vampires, morts-vivants, momies tueuses et j’en passe, sortent de l'ombre pour chercher leurs proies ...

             - Arrête, tu me fais flipper !.. rétorque nerveusement sa sœur, manifestement peu encline à supporter les niaiseries de son aînée.

             L’oreille aux aguets et les sens à fleur de peau, les voici tout à coup attentives au moindre bruissement, scrutant longuement les ténèbres, tentant de saisir à nouveau cet étrange geignement. Mais seul le silence répond une nouvelle fois à leur attente. Tout est noir autour d’elles … Aucun bruit … Rien … Rien que ce grand silence sépulcral, faisant maintenant plus de bruit dans leurs têtes que n’importe quoi. Elles sont néanmoins certaines d’avoir entendu quelque chose. On ne saurait s’y tromper. Cet endroit paisible, qui inspire le repos et le respect, leur semble tout à coup hostile, comme animé d’une vie interne. Et elles prennent peur.

             N’étant pas spécialement amatrices de frissons, et la gorge nouée par une angoisse naissante, elles ont pressé le pas, impatientes de quitter rapidement les lieux. Etant donnée l’ambiance pour le moins angoissante, voire troublante, qui s’est installée, un simple coup de vent pourrait faire croire à une multitude de choses terrifiantes. Afin de se redonner un peu d’assurance, elles ont repris un semblant de conversation, tentant de penser à autre chose en évitant de nourrir leur imagination de sordides superstitions.

            - Ecoute !… tressaille de nouveau Alice, en agrippant le bras de sa sœur dans un mouvement trahissant son désarroi.

            - Voilà que ça recommence !… s’angoisse à son tour Béatrice, une flamme d'inquiétude dans le regard.

            Cette fois, le même bruit suspect s’est fait entendre à trois reprises, de plus en plus rapproché, comme une présence invisible, mais bien réelle … Elles redoutent brusquement que quelque chose se tienne tapie, là, quelque part, dans le royaume des ombres. La tension est montée d’un cran, se faisant plus intense. Les tombes qui les entourent semblent avoir pris un aspect sinistre, leur donnant la chair de poule. Le seuil de nervosité a été franchi. Les deux jeunes filles sont à présent sujettes à une étrange sensation, comme si tout, dans ce cimetière, les surveillait subitement. L’appréhension d'une mystérieuse présence se fait de plus en plus sentir. Et c’est un sentiment d’insécurité qui les envahit progressivement.

            - Nous ne sommes pas seules… glisse Béatrice au creux de l’oreille de sa sœur, en posant une main tremblante sur son épaule.

            - Qu’allons-nous faire !… panique déjà Alice, d’une voix crispée.

            - On bifurque sur la gauche en vitesse… lui rétorque Béatrice, en s’exécutant précipitamment

            Affolées, jetant des regards déroutés aux alentours, elles se sont mises à courir, avec la désagréable impression de se sentir dans la peau d’un animal traqué … Lorsque soudain … des crissements sur le gravier leur ont fait dresser le poil … Le front couvert d'une sueur froide, elles ont stoppé leur course folle. L’une comme l’autre semblent terrifiées. Elles ont acquis la certitude que quelqu’un les suit … La peur au ventre, elles épient le voisinage, s’efforçant de se rassurer mutuellement …

            Il se passe sans aucun doute quelque chose d'extrêmement sinistre et menaçant dans le cimetière.

            - Là ! … s’est écriée Alice d’une voix blanche, en tendant le bras.

            La lumière blafarde diffusée succinctement par l’un des rares réverbères, leur dévoile furtivement une ombre fugitive qui a semblé se glisser entre les tombes.

            - Par ici ! … a lancé Béatrice, en saisissant sa sœur par la manche pour l’entraîner à sa suite.

            Et c’est sans demander leur reste, qu’elles ont repris leur débandade, cherchant à travers l’obscurité le chemin menant vers la sortie.

           Les poumons en feu, vacillant entre les sépultures fleuries de chrysanthèmes, elles ont à présent perdu leurs repères, ne sachant plus où elles sont, telles des aveugles perdues au milieu des tombes.

            Mais elles ont de nouveau marqué un temps d’arrêt, subitement figées dans une immobilité de statue. Quelque chose d’insolite vient de capter leurs regards. Elles fixent, avec effroi, la forme fluidique semblable à une image spectrale qui se profile dans le brouillard, à moins d’une dizaine de mètres devant elles… Elle est encore floue, mais se dirige sans bruit dans leur direction. Et le silence, qui a repris possession des lieux, leur paraît soudain plus lourd, plus oppressant, enfantant un suspense insoutenable.

            Béatrice a senti son estomac se contracter ; tandis que Alice, le visage décoloré marqué par une expression d’effroi, a laissé fuser un cri de stupeur d’entre ses lèvres. Elle a empoigné le bras de sa sœur pour le serrer convulsivement, comme pour se chercher une protection … L’une, comme l’autre, ont soudainement pris conscience que cette hantise qui les tenaillait depuis quelques minutes allait, sans plus tarder, se concrétiser en une réalité assurément insoutenable. Elles appréhendent et anticipent cette fatale rencontre avec son cortège de cauchemars terrifiants. Paralysées par la frayeur, une boule d’angoisse les empêche de déglutir et plus aucun son ne parvient à sortir de leur bouche. Et c’est avec une lueur d’effroi dans les prunelles, qu’elles observent cette singulière vision à la démarche traînante, qui s’avance et se précise, prenant corps peu à peu. Elle se révèle aussitôt être une jeune femme de taille moyenne, drapée dans un long manteau démodé à col de fourrure aux tons bleutés si intenses, qu’ils pourraient rivaliser avec ceux d’une nuit sans lune.

             - Que faites-vous ici à pareille heure ?… a lancé une voix anonyme, les faisant sursauter et émanant de cette forme ahurissante.

            Eberluées, les deux jeunes filles, dont les visages reflètent la plus extrême frayeur, ne semblent pas avoir correctement interprété le sens des paroles prononcées.

            - Je vous ai fait peur ?… s’assure aussitôt l’étrange silhouette.

            - Qui … qui êtes-vous ?… risque timidement Béatrice, les traits crispés et d’une voix étranglée.

            - Je suis celle qui règne sur ces lieux abritant les créatures de l’oubli, en quête de visiteurs nocturnes… rétorque l’insolite présence à l’intonation lugubre.

           Les deux sœurs, prises d’un tremblement incontrôlable et dont les cheveux se sont littéralement dressés sur la tête, ont pressenti leur dernière heure arrivée. Au bord des larmes et le cœur battant à un rythme endiablé, elles se sont serrées l’une contre l’autre en échangeant des regards effarés.

            L’inconnue n’a pas tardé à les rejoindre. Elle est à présent à leur côté et dégage une forte odeur corporelle écœurante. Une longue chevelure couleur de lin lui tombe jusqu'aux épaules. Elle doit friser la quarantaine. Son visage aux pommettes saillantes, fin et aussi pâle qu’un mannequin de cire, semble curieusement fait d’une porcelaine adaptée à l’obscurité.

            - Je plaisante… se presse-t-elle d’ajouter d’une voix monocorde… En fait je regagne mon domicile et je suis en retard. Mais vous ne devriez pas traîner par ici à une heure aussi tardive ! …

            - C’est que … nous revenons d’une soirée Halloween et nous rentrons à la maison. Mais nous nous sommes égarées dans le cimetière… lâche mécaniquement Béatrice du bout des lèvres, la bouche tremblante, dominant péniblement sa panique, impressionnée par cette étrange rencontre qu’elle détaille d’un regard dérouté avec une certaine appréhension..

            - Vous vous êtes donc perdues dans le brouillard… poursuit la femme au grand manteau, en les enveloppant de ses yeux noirs au regard froid.

            Durant ce bref examen silencieux, un sentiment d’insécurité s’est emparé des deux sœurs, visiblement mal à l’aise. Le regard intense que cette inconnue a posé sur elles, a quelque chose d'inhabituel, de stressant. Elles ont senti que ses yeux d’ébène les scrutaient au plus profond d'elles-mêmes.

            - La sortie n’est pas bien loin. Je vais vous guider. Je connais parfaitement les lieux… déclare-t-elle sur un ton aux inflexions des moins engageantes.

            Puis, sans rien ajouter et d’un geste approprié, l’étrange inconnue les a enjointes à la suivre …

           Et c’est submergées par une vague d’inquiétude, que les deux adolescentes, au bord des larmes, se sont senties dans l’obligation d’obtempérer.

            Le brouillard s’est encore épaissi, pour se transformer en un coton opaque. Déambulant de tombes en tombes, sans avoir échangé la moindre parole avec leur énigmatique guide, elles ont parcouru une cinquantaine de mètres. Des sépultures anciennes, à moitié écroulées, mangées par le lierre ou couvertes d'une végétation extravagante, voisinent avec des chapelles et des caveaux, inspirés des architectures les plus farfelues. Mais voici que l’inconnue au grand manteau vient de quitter l’allée qu’elles avaient empruntée, engageant les jeunes filles à la suivre. Elle s’est dirigée vers un mausolée en granit noir ornée de mosaïques. Trois anges déchus en pierre de taille, paraissant se livrer à des occupations étranges et inquiétantes, semblent en interdire l’accès. Ils incarnent visiblement le mal absolu, comme autant de divinités déchues appartenant à l’aspect obscur de la création. Elle leur a désigné l’entrée du tombeau, dont la porte en fer s’est ouverte à leur approche dans un grincement des plus sinistres.

            - C’est ici qu’est ma demeure… déclare-t-elle le plus naturellement du monde d’une voix désincarnée, à la stupéfaction des deux adolescentes, brutalement précipitées dans un océan de stupeur paralysante.

            Béatrice, l’œil dilaté par une terreur sans bornes, a senti les doigts de sa sœur se crisper sur son bras en un mouvement de terreur ; tandis qu'une onde glacée a couru le long de son échine.

            - Il est extrêmement rare de recevoir des visiteurs en ces lieux à la naissance du crépuscule, et il est temps, à présent, d’entrer rejoindre les autres… ricane l’énigmatique créature féminine avec une ironie glacée dans le son de sa voix, en rejetant sa chevelure en arrière d’un brusque coup de tête. Puis, se saisissant des deux sœurs à l’aide de ses mains blanches aux ongles démesurés, comme s’ils n'avaient pas été entretenus depuis des lustres, elles les a entraînées à sa suite dans le tombeau qui s’est refermé derrière elles.

            Les hurlements de terreur des deux jeunes sœurs, étouffés et à peine audibles, se sont vite perdus dans les méandres de la crypte de la femme au long manteau.

            - Voici la triste histoire de deux jeunes adolescentes qui vous ressemblent et qui ont fait fi des conseils de leurs parents en sortant les nuits d’Halloween … sourit la maman des deux jeunes sœurs en refermant le livre du " Cimetière – de Stephan LEWIS ", avant de le déposer sur le rayonnage de la bibliothèque.

                            


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     Les romans fantastiques de Stephan LEWIS 
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    STEPHAN LEWIS écrivain de SF -
     
    Bienvenue à mes lecteurs ... Bonne lecture ...

        Légendes, mythes et faits mystérieux jonchent l'Histoire.  De nombreuses énigmes restent encore aujourd'hui non élucidées, malgré les progrès de la science. En effet, certains événements résistent à toute explication rationnelle.
          Dans notre ciel volent d'énigmatiques objets. Sur notre terre s'érigent des monuments dont nous ne connaissons pas la destination. Dans notre sol sont enfouies des constructions n'appartenant à aucune civilisation connue. Le mystère est partout et ni notre science, ni notre histoire ne peuvent lui apporter de réponse. Aujourd'hui encore, la question de l'apparition même de l'homme n'est pas encore élucidée. Nous ne savons finalement pas grand chose sur l’histoire de notre planète et donc la nôtre. Pour preuve, l'abondance des hypothèses émises un jour et aussitôt remises en cause le lendemain.
          Cela donne la mesure de notre ignorance, mais également de notre insatiable curiosité à trouver une explication logique à notre destin.

           Je vous souhaite une excellente visite de mon site à travers toutes mes histoires insolites et ces phénomènes de l'étrange, mais attention aux frissons !!!!!!!!!!!!!!

    Vous pourrez lire successivement, et dans l'ordre
    de l'oeuvre de Stephan LEWIS :
     
    (choisir vos titres dans la rubrique ci-dessus intitulée : Articles de cette rubrique)
     
    - L'Ombre du Miroir
    - Le Médecin de Campagne
    - Le Musée
    - L'Appartement
    - L'Enigme de la Dame Blanche
    -  Le Parapluie
    -  Le Manoir de la Terreur
    -  Le Cimetière
    -  Le Téléphone
    -  Le Manuscrit des Ombres
    -  Les Enfants des Etoiles
    -  Le Mystère de l'île des Géants
    -  Le Secret des Pierres d'Ica
    -  Les Sondeurs du Temps
    -  L'Empreinte des dieux (Le Livre de Dzyan)
    -  Les Prisonniers du Monde Perdu
    -  Sur la Piste du Graal

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