•  Quelques petits frissons ne vous feront aucun mal,
    mais ... sait-on jamais !!!!
                                                              S. Lewis
     
    Stephan LEWIS
     
    Le Manoir de la Terreur
    le manoir de la terreur - image
     
    Vendredi 16 mai … 16 h 27 …

                
            Le visage creusé, assombri d’un voile de fatigue, Sylvia  est sortie précipitamment de l’agence immobilière de La Rochelle au sein de laquelle elle assume les fonctions de négociatrice principale. Il s’agit de faire vite pour répondre au coup de téléphone qu’elle vient de recevoir. Un client, qui n’a pas décliné son identité, désire visiter le manoir de Cornelius. Une occasion inespérée, qui n’est certainement pas prête de se représenter !

           
            Contrairement aux derniers jours, la journée avait pourtant été calme, sans le moindre rendez-vous, la clientèle s’étant faite plutôt discrète. Sylvia s’était même assoupie sur son bureau, rêvant déjà aux mille et une choses qu’elle se préparait à faire durant le week-end, avant d’être rendue à la réalité par la sonnerie intempestive du téléphone qui l’avait brusquement sortie de cette somnolence passagère.

             
            Jamais elle n’aurait pu imaginer qu’un éventuel acquéreur puisse s’intéresser à cette bâtisse bizarre, vieillotte et biscornue, campée dans un parc au gazon pelé, enclavée dans un paysage de friches industrielles. Lorsque le responsable de l’agence l’avait chargée de prendre en main la vente de cette gentilhommière construite dans la seconde moitié du XIX° sur les fondations d’une ancienne abbaye bénédictine d’un pittoresque effrayant, elle avait accueilli la nouvelle avec une grimace de dépit.

             
            Le bâtiment est en effet plutôt " mal en point ", semblant même à l’abandon … Son solage de vieilles pierres s’effrite. Ses murs lézardés sont rongés par une mousse roussâtre, donnant l’impression de résister péniblement aux grands vents d’hiver et aux pluies rageuses. Quant au châssis de ses fenêtres aux vitres poussiéreuses derrière lesquelles on croirait voir passer d’inquiétantes silhouettes, il aurait besoin d’un sérieux rafraîchissement … Cet immeuble de style victorien est le reflet archétype de la maison hantée, qui inspire tant les auteurs de romans d’épouvante et les scénaristes du même crû. Alors, vous comprendrez que dans ces conditions, il semble difficile d’imaginer qu’un acheteur potentiel puisse s’intéresser à ce repère froid, sordide et effrayant !

            
            Son dernier propriétaire, un étrange personnage du nom de Cornelius, jouissait d’une sinistre réputation. Victime d’une crise cardiaque quelques mois auparavant, il avait définitivement quitté les lieux pour cracher son âme au diable. Il y avait vécu en solitaire, comme un ermite, toute sa vie durant, à l’écart de tout voisinage. L’inquiétante et fantastique demeure aux intrigues ténébreuses n’avait, disait-on, jamais reçu de visiteur. D’ailleurs, la frayeur qu’inspirait le manoir à toute la population était telle, que pas un seul habitant ne s’y était encore risqué. Ils se signaient le front en passant devant ou l'évitaient.

             
            Il est d'ailleurs à noter une certaine réserve de leur part ... Certains d'entre eux ne sont pas sans évoquer les maléfiques activités et l'obscure personnalité de l'ancien propriétaire des lieux.  Ils vont même jusqu’à colporter le bruit selon lequel le décès de l’étrange bonhomme masquerait une vérité atroce assortie d’un terrible secret, cachant d’obscurs forfaits. Si l’on se fie aux rumeurs, les nuits de pleine lune des cris et des bruits étranges s’élèveraient de l’antique demeure. Entre ces murs se seraient déroulés des faits anormaux et inexplicables. Des incidents bizarres, associés à des phénomènes déconcertants, auraient même défrayé la chronique quelques jours avant sa mort … Du reste, des plaintes concernant des événements insolites auraient été enregistrées … Et Cornelius aurait emporté dans la tombe d’inavouables secrets.

             
            En dépit d’un testament stipulant que la maison devait rester dans le grison familial, son seul héritier bénéficiaire, un petit-neveu par alliance désigné comme légataire universel, avait malgré tout et aussitôt manifesté hâtivement son désir de se séparer de l’immeuble et de la totalité du mobilier concerné, bien qu’il ne soit nullement dans le besoin. Il en avait confié la vente à l’agence.

             
            Le rendez-vous avec cet hypothétique acquéreur ayant été fixé au lendemain dans la matinée, Sylvia n’a donc que peu de temps pour s’assurer que tout est en ordre à l’intérieur de cette singulière demeure. Elle ne s’y était pas encore aventurée, ayant estimé, de toute évidence, qu’elle n’était pas à la veille d’en obtenir un compromis de vente.

            
            Contre toute attente, la voici néanmoins rendue devant cette imposante et glaciale habitation aux intrigues ténébreuses, qu’elle détaille d’un regard méfiant à travers les glaces de sa clio. Elle n’est pas sans évoquer l’hitchcockienne résidence de Rebecca. Isolée dans un grand parc tapissé de buissons et de ronces, planté à l’écart de toute vie civilisée, sa masse sombre et farouche ressemble à s’y méprendre à un monstre aux aguets. Le décor semble avoir été étudié aux fins de privilégier le fantastique et l’imaginaire, avec l'intention quasi évidente d’exposer les lieux aux agressions surnaturelles. Pas étonnant que l’endroit jouisse d’une si mauvaise réputation ! Une pesanteur, une angoisse indescriptible même, semblent suinter des murs de cette abominable bâtisse au demeurant hostile, de laquelle paraît sourdre une menace latente.

           
            Avec un soupir de résignation,  elle est descendue de sa voiture. D’une main hésitante, elle a poussé la grille de fer forgé défendant l’accès au domaine, dont la façade de lierre pendu aux crevasses de ses murailles reflète l’abandon et la tristesse.

            
            C’est à présent avec appréhension qu’elle traverse le parc en visiteuse téméraire et imprudente. Avec une moue angoissée, elle a gravi les quelques marches du perron conduisant au portail surmonté d’un marteau sculpté. Après avoir attendu impatiemment que son angoisse se dissipe, elle introduit la clé dans la serrure de la porte d’entrée. Elle l’entre-bâille craintivement en esquissant une grimace de contrariété avant d’en franchir le seuil, s’efforçant à présent de penser au plaisir de se faire peur, bien qu’elle ne soit pas spécialement friande de sensations fortes, mais faisant plutôt contre mauvaise fortune bon cœur. Une terrible appréhension s’est emparée de tout son être. Elle a subitement la désagréable sensation que la porte s’est refermée d’elle-même.

            
            Le cœur battant à un rythme endiablé, elle a inconsciemment retenu son souffle avant de se glisser timidement et comme une ombre à l’intérieur de l’étrange demeure lourde et silencieuse.

           
            Elle se risque à présent dans le grand couloir. La statue grotesque et inquiétante du démon Asmodée, le diable boiteux à l’aspect démoniaque et au regard hypnotique, postée en sentinelle, accueille les visiteurs éventuels. Son aspect terrifiant les met d’office dans l’ambiance, avec le désir évident de les placer en situation de complète insécurité. Tout ici respire la moisissure et il y flotte comme une odeur de souffre. D’autres remugles aux origines peu avouables se mêlent à ces relents peu engageants.

           
            Les portraits des habitants successifs du manoir qui recouvrent les murs semblent se déformer à son passage, ce qui n’est pas pour la rassurer dans cette obscurité qui la pénalise. Etant donné l’urgence de la situation, l’agence n’a pas eu le temps de faire remettre l’installation électrique en service. Heureusement, Sylvia s’est munie d’une torche pour parer à cet inconvénient. La bâtisse se révèle opaque dans ses moindres recoins, malgré les craintifs rayons de soleil qui s’infiltrent timidement au travers des persiennes ajourées, donnant l’impression que les objets sont éclairés par une lumière sépulcrale.

           
            Elle a franchi les derniers mètres la séparant du grand salon. Il y règne un froid singulier. Des chuchotements et des plaintes semblent chuinter de ses murs recouverts de boiseries. Le portrait suspendu au-dessus de la monumentale cheminée en pierre représentant un homme âgé au visage parcheminé, ridé et desséché, pareil à un démon vomi par l’enfer, a immédiatement attiré son attention. Ce ne peut être que celui de Cornelius. Ses yeux au regard froid et agressif semblent suivre ses moindres mouvements et condamner son intrusion. L’œil terrible, glacial et accusateur qu’il paraît  porter sur cette importune visiteuse est sans équivoque, semblant lui reprocher la profanation de ces lieux au demeurant interdits, ce qui la fait frissonner. Durant quelques secondes, Sylvia a même eu la désagréable sensation que l’horrible portrait la menaçait de son doigt. Son imagination fertile lui jouerait-elle des tours ? La névrose que représente cette maison nimbée de surnaturel persiste en elle comme une menace incohérente et terrifiante. Elle s’entête à s’exercer comme l’irruption sournoise de l’irrationnel dans la grisaille du quotidien. Visiblement mal à l’aise, Sylvia ne sait subitement plus que faire, afin de conjurer cette obsession. Elle sent à ses côtés une présence d'outre-tombe tapie dans l'ombre. Elle a vivement détourné son regard de cette photographie au teint cadavérique, de cette caricature humaine de l’ancien maître des lieux, qu’elle rend manifestement responsable de cette situation.

             
            La pièce est encore remplie d’objets aussi mystérieux que poussiéreux et la plupart du mobilier est recouvert d’un drap blanc. Cette atmosphère fantomatique où semble régner une ambiance hostile ne fait que renforcer cet effet de terreur superstitieuse. Ne va-t-elle pas s’imaginer à présent que, les nuits d’orage, cette fantastique demeure doit irradier de mille lueurs suspectes sous les éclairs ! Des ingrédients qui contribuent à accentuer encore et encore ce stress insupportable qui s’est emparé de sa personne depuis qu'elle est entrée. Prise dans l’univers restreint de cette étrange bâtisse, ce sentiment d’oppression ne fait que s’amplifier.

             
            Mais le temps presse. Elle se doit de satisfaire son client. Elle réalise brusquement que son imagination est en train de la plonger dans un cauchemar intolérable ! Cette anxiété qui la torture n’est de toute évidence qu’anodine, totalement dénuée de sens. Elle a tout à coup conscience qu’elle alimente inutilement et déraisonnablement son imaginaire. Cette impression de retrouver son âme d’enfant et de faire resurgir quelques fantasmes enfouis au plus profond de son subconscient lui fait même hausser les épaules. Qu’aurait-elle à redouter de ces vieilles pierres à l’esthétique repoussante, mis à part le fait d’en faire échouer la vente ? Exerceraient-elles sur sa personne un effet subjectif ? Et puis … Elle n’est pas craintive de nature. Et tout le monde sait que les fantômes, ça n’existe pas ! … Alors .. Que diable ! Bien que le mot soit mal choisi … Il lui faut se reprendre ! Il y a des choses qu’il faut accepter sans se poser de questions. Elle se doit d’exorciser ses peurs et ses phobies afin de commencer son inspection sans plus tarder et s'assurer que tout est en ordre. Elle n’a pas le choix. La bâtisse ne compte pas moins d’une quarantaine de pièces qui s’étendent sur trois niveaux.

             
            Elle a ravalé nerveusement sa salive à plusieurs reprises, avant de se risquer à poser le pied sur la première marche du grand escalier en spirale qui mène aux étages. Les boiseries anciennes craquent bruyamment sous ses pas hésitants, ce qui contribue à accentuer encore cette atmosphère de cauchemar. Elle a recommencé à frissonner, sentant au fond d’elle-même sourdre de nouveau une folle angoisse. Sur le qui-vive, la voilà qui se prend tout à coup à décortiquer le moindre bruit suspect.

             
            Elle vient d’emprunter le grand couloir tortueux, sombre et sinueux du premier étage, avec l’étrange sensation qu’il ne la mènera nulle part. Le parquet qui grince sous ses pas renforce encore ce sentiment d’insécurité. Mais elle a  tressailli ! Retenant son souffle, elle a tendu l’oreille … Oui, elle en est pratiquement certaine … Un bruit émane du rez-de-chaussée ! … Ses pulsations se sont subitement accélérées … C’est une porte qui vient de s’ouvrir dans le grand salon qu’elle a traversé quelques minutes auparavant. C’est à présent parfaitement audible, et même de plus en plus accentué … Quelqu’un est en train de gravir l’escalier et elle perçoit un bruit métallique, ressemblant singulièrement à un cliquetis de chaînes ! Plus de doute … Elle a cette fois la sensation d’être la victime choisie, attirée vers le lieu où le monstre l’attend, comme l’araignée guettant la mouche …

             
            Sans même réfléchir, elle s'est jetée sur la  porte de la première chambre qu’elle referme précipitamment derrière elle. Après un coup d’œil circonspect, elle s’est tapie derrière l’armoire qui meuble les lieux. C’est un sentiment de panique qui est cette fois en train de la submerger. Elle en retient même sa respiration. On se déplace dans le couloir … Le pas qui résonne comme une menace latente à la manière d'un écho maléfique durant une poignée de secondes, s’atténue toutefois peu à peu, semblant se perdre dans le néant.

             
            Avec mille précautions, elle se prépare à quitter la pièce. La main sur le bec-de-cane, elle prête l’oreille avant d’entrebâiller la porte pour risquer un œil dans le couloir. Le passage est désert. C’est sur la pointe des pieds qu’elle s’empresse de rebrousser chemin et descend précipitamment les marches du grand escalier. Elle a rejoint le grand salon sans même s’être retournée et s’est déjà pressée vers la sortie, lorsqu’à l’instant où elle passe une nouvelle fois devant le portrait de Cornelius dont le visage aux traits ahurissants et à l’aspect diabolique paraît la défier de son regard de braise, celui-ci chute lourdement sur le sol.

             
            Une main sur la poitrine, elle s’est retournée, guettant le démon qui habite sans nul doute ces lieux ensorcelés et qui doit s’être lancé à sa poursuite … Il ne va plus tarder à se manifester et elle s’est mise à trembler de tous ses membres. Mais seul un silence sépulcral et inquiétant répond à son tourment. La caricature de l’étrange bonhomme qui gît à ses pieds semble rire de son désarroi et c’est un coup de talon rageur qui vient de mettre un terme à cette horrible défiance.

             
            La gorge nouée par l’angoisse, elle reprend peu à peu confiance et réalise bientôt la stupidité de son geste d’humeur. Mais son cœur a cette fois fait un bond dans sa poitrine et une lueur d’effroi s’est allumée dans ses prunelles, tandis que les traits de son visage reflètent l’épouvante … Elle sent un souffle chaud et haletant sur sa nuque et des mains froides et visqueuses se sont posées sur ses épaules …

            
            - Sylvia ! Hé Sylvia ! Ce n’est pas le moment de piquer un roupillon !           

            
            Penché sur elle et la secouant énergiquement, c’est le visage amusé de son amie et collègue de bureau Laëtitia, qu’elle distingue en entrouvrant timidement une paupière.

            
            Affalée sur son bureau, Sylvia met quelques secondes avant de reprendre totalement contact avec la réalité …

            
            - Me suis assoupie… lâche-t-elle du bout des lèvres, les yeux hagards et l’air penaud, tout en étouffant un bâillement et en se redressant sur un coude, le cerveau encore embrumé.

            
            - Je vois ça… constate Laëtitia avec un sourire pincé… C’est vrai que cette semaine a été des plus éprouvantes et …

            
            Mais elle a aussitôt interrompu sa remarque, le timbre d’appel du téléphone venant de résonner.

            
            Après s'être saisie du combiné, elle échange quelques paroles avec la personne se trouvant à l’autre bout du fil avant de se tourner vers sa collègue, tout en replaçant l'appareil sur son support.

            
            - Tu vas pouvoir te dégourdir les jambes !… lui lance-t-elle avec un gloussement amusé… C’était le patron. Tu ne devineras jamais !

            
            - Deviner quoi ? Je t’en prie. Suis pas trop dans mon assiette aujourd’hui.

            
            - Tu te souviens … Cette vieille bicoque ? Le manoir de Cornelius ? Hé bien … T’as plus une seconde à perdre. Le patron désire que tu fonces là-bas voir si tout est en ordre. Un client souhaite la visiter demain dans la matinée.

     !!!


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  • le parapluie
     
     Le  Parapluie 

     Stephan LEWIS

     

    Printemps 1968 … mardi

            
            Joseph Winter, jeune étudiant britannique en archéologie âgé de 24 ans, décide ce jour de profiter de cette belle fin d'après-midi afin de réviser ses cours dans les jardins de Buckingham, à Londres.

            
            Notre futur archéologue, assis sur un banc, est penché sur ses notes, lorsqu'une toute jeune fille vient s'asseoir à ses côtés.
     
             La conversation se noue aussitôt autour de quelques sujets futiles.

            
            Au terme d'une petite heure, la jeune fille invite son interlocuteur à une petite fête donnée dans l'appartement de famille en l'honneur de son anniversaire, le jeudi à venir. Puis, elle l'abandonne à ses notes.

            
            Au jour et à l'heure dite et en dépit d'une pluie battante rendant les rues quasi désertes, le jeune Winter, muni d'un parapluie à manche de nacre gravé de ses initiales, se rend à l'adresse indiquée chez la jeune personne en question. Elle l'attend en compagnie d'une vingtaine d'autres invités au troisième étage de l'immeuble.

            
            La soirée se déroule au sein d'une douce atmosphère, agrémentée par une musique d'ambiance propice à la détente et à l'amusement. Winter noue à présent une longue conversation avec la jeune fille qui dit s'appeler Laëtitia Renault. Cette dernière lui présente un jeune ecclésiastique de ses amis passionné d'archéologie.

            
            Vers 22 heures, le jeune Anglais salue ses hôtes après avoir remercié la jeune fille, se promettant mutuellement de se revoir.

            
            Winter est à présent dans la rue, ressassant avec plaisir les quelques heures passées en compagnie de sa nouvelle amie, lorsqu'il ressent tout à coup le désir de fumer. Notre jeune étudiant bourre soigneusement son brûle-gueule, l'esprit ailleurs, certainement vaquant là où il était quelques minutes auparavant, lorsqu'il s'aperçoit avoir oublié son parapluie dans l'appartement. Plus satisfait que contrarié à l'idée de revoir celle à laquelle s'accrochent  à présent ses pensées, il fait aussitôt demi-tour pour emprunter une nouvelle fois l'escalier et sonne à la porte d'entrée …

            
            Curieusement, aucun écho de la petite fête ne lui parvient, et personne n'ouvre la porte malgré son insistance, alors qu'il ne s'est écoulé que quelques minutes depuis son départ.
            

             C'est le concierge qui, alerté par son acharnement, met fin à son obstination.
            

            - Laëtitia Renault ! Connais pas ! Voilà plus de vingt ans que cet appartement est inoccupé… lui confie ce dernier en se grattant machinalement le cuir chevelu.

            
            A présent, plus Winter tente de s'expliquer, plus l'affaire devient confuse.  Elle se termine même au poste de police du quartier en présence d'un certain Olways, propriétaire de l'appartement en question.  Le récit du jeune Winter pris pour un cambrioleur étonne tout le monde… En effet, l'appartement avait bien été occupé par Laëtitia Renault et sa famille, mais il s'avère que cette jeune personne était décédée depuis une vingtaine d'années.

            
            Suite à l'acharnement du jeune homme, on se décide finalement à ouvrir les portes de l'appartement … Il est alors plus de minuit…
           

             Surprise … !
           

             Plus aucune trace du mobilier entrevu quelques heures auparavant par Winter. Le parquet est couvert de poussière et les lieux semblent abandonnés depuis des siècles. A son grand étonnement, l'étudiant remarque une photographie demeurée sur  un cache-radiateur … Il y reconnaît aussitôt le jeune ecclésiastique avec lequel il avait pris tant de plaisir à discuter lors de cette soirée peu ordinaire.

            
            Le propriétaire a remarqué son air interloqué.
           

            - Cet homme …. Cet abbé !… murmure Winter… Nous avons discuté toute la soirée !
            

            - Cela m'étonnerait beaucoup que vous ayez parlé avec lui ce soir… sourit Olways… Il s'agit de mon grand oncle mort en Afrique où il était missionnaire.
           

            - C'est impossible… balbutie Winter… Il y a à peine 3 heures, nous étions là, près de la cheminée à discuter !
      
            Comme pour asseoir sa conviction, il s'est approché du tablier de marbre de la vieille cheminée ... Son regard s'est posé sur le porte-parapluies à l'intérieur duquel, couvert de poussière, se trouve un parapluie dont la crosse nacrée est gravée de deux initiales : J.W.


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  •         12 juin 2002 ... 

            
             Il est un peu plus de vingt deux heures ...

           
            Un sexagénaire à l’aspect distingué reflétant visiblement le flegme britannique, roule tranquillement pleins feux au volant de sa Jaguar E sous un ciel piqueté d’une myriade d’étoiles. L'esprit ailleurs, il se dirige vers Lavelanet, petite commune de l’Ariège.

           
            Il vient de dépasser la bretelle de Foix et il ne lui reste qu’une dizaine de kilomètres à parcourir. D’un geste machinal, notre homme allume la radio et prête une oreille distraite aux nouvelles condensées, que donne une speakerine à la voix agréable. La nuit est lumineuse, l’air tiède et malsain. Le véhicule vient de négocier un virage serré, lorsque dans le faisceau de ses projecteurs le chauffeur distingue une forme blanche plantée au milieu de la chaussée à moins d’une cinquantaine de mètres de distance. Surpris, il décélère jusqu’à stopper à hauteur d’une jeune fille toute de blanc vêtue.

           
            Il fait aussitôt coulisser sa vitre...

            
            - Bonsoir mademoiselle ... Vous allez vous faire renverser ! Que faites-vous donc par ici à pareille heure ?... s’étonne ce dernier en s’exprimant avec un léger accent anglo-saxon.

            
            - Je me rends à Lavelanet... Pouvez-vous m’emmener en ville ? C’est là que j’habite... indique la jeune personne d’une voix sourde et mécanique, dont le visage reflète une pâleur des plus singulières.

            
            Bien que surpris par la tonalité de sa voix, le conducteur lui a retourné un sourire pincé, mais indulgent. Avec un léger haussement des épaules, il s'est incliné pour lui ouvrir galamment la portière et l’invite à s’installer sur le siège avant. Puis le véhicule poursuit aussitôt sa route ...

            
            Chemin faisant, notre homme détaille furtivement sa passagère à la dérobée, d’un œil réservé et discret par-dessus ses petites lunettes qu’il porte sur le bout du nez ... 19-20 ans. Vêtue d’une robe blanche très années 60. Plutôt agréable à regarder, bien que curieusement pâlotte et ... peu bavarde, ne soufflant même le moindre mot. L’autoradio qui diffuse un programme de musique légère, meuble à lui seul cette morne atmosphère.

            
            Le chauffeur fait encore quelques tentatives pour nouer conversation, mais ses efforts demeurent toutefois infructueux, sa passagère ayant adopté une passivité quasi alarmante. Elle demeure inexplicablement silencieuse et immobile, un peu raide sur son siège, étrangement indifférente à tout ce qui l’entoure, presque absente.

            
            Ils roulent depuis maintenant une dizaine de minutes. Un silence gênant, presque pesant règne à bord, lorsqu’une pluie tiède et pénétrante se met soudainement à tomber avec une extrême violence. De grosses gouttes s’écrasent sur le pare-brise, alors que la  berline vient de dépasser le panneau signalant leur destination.

            
            La pluie s'abat bientôt en un véritable déluge, comme si une main géante avait ouvert un titanesque robinet. Une bourrasque souffle même soudainement sur la commune, tandis que la Jaguar emprunte la rue principale totalement désertée, éclairée succinctement par quelques enseignes au néon restées allumées.  

           
            La jeune fille désigne bientôt une habitation à peine distincte, perdue au fond d’un grand parc.

           
            - C’est ici que j’habite... indique-t-elle d’une voix plutôt froide, en remuant à peine les lèvres.

           
            N'y accordant aucune attention particulière, le conducteur lui propose courtoisement son imperméable, le temps pour sa passagère occasionnelle d’aller quérir un parapluie afin d’être en mesure de lui restituer son bien.

           
            Sans la moindre formule de remerciement pour son bienfaiteur, elle a jeté le vêtement de pluie sur ses frêles épaules avant de se diriger d’un pas lent vers le lourd portail qui s’est ouvert en grinçant sinistrement. Puis, elle s'est fondue dans la nuit.

            
            Son moteur tournant au ralenti et après avoir essuyé la buée qui se déposait sur la vitre d’un revers de la main, le chauffeur enfonce une allumette craquante dans le fourneau de son brûle-gueule. Il décide de patienter en écoutant distraitement la radio, sous l’égrenage incessant des va-et-vient monotones de ses balais d’essuie-glace qui se sont emballés pour chasser le voile hydrique ruisselant en continu sur le pare-brise.

            
            La rue est à présent balayée par des trombes d’eau qui se déversent sur la bourgade prise au sein d’un violent orage.

            
            Dix minutes se passent au cœur d’un silence seulement troublé par les battements de la pluie torrentielle qui a redoublé d’intensité, sans que la jeune fille n’ait refait son apparition.

            
            Après avoir réprimé un mouvement d’impatience assorti d’un soupir de lassitude, le conducteur s'est rangé prudemment sur le côté de la chaussée contre la bordure du trottoir. Il coupe les gaz et éteint ses phares. Puis, il relève frileusement le col de son veston pour se ruer, la tête rentrée dans les épaules, sous la pluie battante et le vent qui souffle en rafales, en direction du portail resté entrouvert.

            
            Il traverse à présent le parc d’un pas pressé en frissonnant dans la nuit froide. Après avoir gravi les quelques marches menant au perron de l’habitation, il a trouvé refuge sous le porche protecteur de la porte d’entrée.

            
            Un léger trait de lumière filtre à travers les volets de l’une des grandes baies vitrées. Avec un geste d’humeur, il s’éponge succinctement le visage, chasse nerveusement une mèche rebelle collée sur son front partiellement dégarni et essuie précautionneusement les verres de ses binocles. Sa redingote ruisselle de pluie, aussi se décide-t-il sans plus attendre et au risque qu’on le prenne pour un importun, à utiliser la sonnette ...

            
            - Quel toupet !... murmure-t-il entre les dents... La jeunesse d’aujourd’hui est d’une ingratitude !

            
          Le parc vient de s’illuminer, dévoilant ses pelouses verdoyantes et les massifs fleuris qui le tapissent… Mais la porte s'entrouve craintivement sur un homme âgé et squelettique, au faciès en lame de couteau et aux cheveux blancs. Il porte un vêtement d’intérieur. La mine étonnée et méfiante qu’il affiche ne surprend pas outre mesure son visiteur, étant donné l’heure avancée de la nuit.

            
            - Cher monsieur, pardonnez mon intrusion à cette heure tardive ... s’excuse ce dernier sur un ton empressé en prenant un air navré assorti d’un sourire gaufré... J’aurais souhaité récupérer la gabardine que j’ai prêtée il y a un quart d’heure à la jeune personne que je viens de déposer.

           
            Le vieil homme le dévisage d’un air interloqué à l’instant où surgit à son tour une femme d’un âge avancé, certainement l’épouse, accourue à la rescousse. Elle lui retourne elle aussi un regard sans équivoque, empreint d’une évidente suspicion.

           
            - Il n’y a aucune jeune personne ici... rétorque le vieillard d’une voix sèche et courroucée, visiblement sur ses gardes... Vous devez vous tromper d’adresse monsieur. Il y a assurément erreur... ajoute-t-il d’un air farouche en ébauchant même un geste d’indifférence, voire de mauvaise humeur.

           
            Poussée par une main rageuse, la porte a claqué au nez de ce visiteur visiblement indésirable.

            
            L’attitude du maître de maison, aussi inconvenante qu’inattendue, a pour conséquence d’exaspérer notre homme, lui faisant même perdre une bonne partie de son flegme naturel. Après avoir haussé les sourcils et s’être difficilement contenu, il ne renonce pas pour autant, mais fait aussitôt une seconde tentative avec un air déterminé.

            
            Et la sonnette tinte une nouvelle fois...

            
            La porte s’est de nouveau ouverte sur le maître de maison, visiblement agacé. Son visage, empourpré du rouge d’une colère naissante, reflète à présent la mauvaise humeur. Sa voix se hausse même au diapason de l’exaspération ...

            
            - Que voulez-vous enfin monsieur ! ... Permettez-moi de vous faire remarquer que votre insistance s’avère des plus déplacées ! Allez-vous continuer encore longtemps cette plaisanterie de mauvais goût ?... fulmine-t-il, exaspéré, saisi d’un énervement manifestement incontrôlable.

           
            L’autre paraît littéralement secoué par la surprise...

            
            - Calmez-vous mon ami ! Je m’excuse encore une fois de devoir vous importunerde la sorte et je conçois parfaitement l’incongruité de ma visite à pareille heure. Mais j’ai cru faire plaisir à cette jeune personne qui errait sur la route en la ramenant chez elle. Avec ce fichu temps, je lui ai même prêté mon imperméable. Et voici le résultat !... argumente ce dernier en se passant une main agitée sur ses vêtements mouillés.

            
            - J’habite seul ici avec mon épouse... s’emporte maintenant le vieil homme sur un ton irrité et peu amène, assorti d’une agressivité à peine masquée... Vous n’allez quand même pas nous rejouer cette comédie à tour de rôle !

            
            - Que voulez-vous dire ?

            
            - Ne faites donc pas l’innocent ! Il y a plus d’un mois que cette mauvaise farce persiste ! ... Et à chaque fois qu’il pleut !... indique-t-il avec âcreté, la moue exaspérée, en tendant un doigt accusateur en direction de celui qu’il considère certainement comme un plaisantin de mauvais goût, flanqué d’un importun personnage.

            
            - Mais ... Je vous assure que je ne comprends pas !

            
            - Bon ... Je veux bien vous croire... admet enfin le vieillard d’une voix soudain déconfite, assortie d’un soupir d’énervement... Vous êtes peut-être sincère après tout. Mais rendez-vous compte ! Vous êtes la quatrième personne à nous réclamer soit un parapluie, soit un ciré, ou encore un imperméable prêtés à je ne sais quelle jeune personne censée habiter cette demeure !

            
            Devant l’air ahuri affiché par son interlocuteur de passage, le maître de maison paraît cette fois perplexe. Sa lèvre s’est gonflée en une moue d’ennui. Il semble tout à coup enclin à de meilleures intentions. Le ton employé s’est même subitement radouci ...

            
            - Bon... Entrez ... Nous serons mieux à l’intérieur ... Quel temps de chien ! Et cette maudite bourrasque ! Pardonnez mon emportement, mais nous sommes sur les nerfs. Si cette plaisanterie au demeurant stupide persiste, nous finirons par aller déposer une plainte au commissariat.

            
            - Je vous certifie pourtant avoir vu cette jeune personne s’introduire dans votre propriété et je puis vous assurer qu’elle n’en est pas ressortie. Je suis formel... insiste le visiteur.

            
            - Nous ne comprenons rien à cette comédie... confie à présent l’homme d’une voix crispée, visiblement au comble de la contrariété... Et je vous garantis que personne, à part vous, n’est entré ici ce soir.

            
            Ils sont à présent dans le couloir. Le visiteur a croisé le regard hostile de la femme qui, sans la moindre indiscrétion, a retourné un œil désapprobateur envers son époux, lui signifiant certainement par là qu’il avait eu tort d’ouvrir leur demeure à cet étranger dont elle désapprouve visiblement la présence, la jugeant même manifestement désobligeante.

            
            - Permettez au moins que je me présente... suggère toutefois ce dernier, plutôt confus, en lui adressant un sourire contraint, conscient de jouer ici et involontairement le rôle de l’intrus, de l’indésirable... Je suis le professeur Joseph Winter. Je reviens d’un congrès qui s’est déroulé à Perpignan et ...

           
            - Le professeur Winter ! Le célèbre archéologue ! J’aurais dû vous reconnaître ! On parle si souvent de vous à la télévision et dans les journaux... s’enthousiasme subitement le mari d’une voix confuse, la mine soudain penaude... Vous êtes Britannique n’est-ce-pas ? Mais vous possédez une propriété près d’ici. A Montségur, si je ne m’abuse ?... et le vieil homme semble à présent ne plus vouloir tarir d’éloges sur son visiteur.

           
            - J’étais justement en route pour regagner mes pénates... précise ce dernier avec un sourire discret, à la fois soulagé et visiblement satisfait de la notoriété dont il semble jouir en ces lieux.

            
            - Excusez-nous professeur, mais depuis quelque temps, nous sommes devenus méfiants... s'empresse de bredouiller à son tour la femme, au terme d'un silence gêné... Pas plus tard que la semaine dernière, un jeune homme d’une vingtaine d’années peut-être, plutôt vulgaire d’ailleurs, nous a dérangés à peu près à la même heure pour nous conter à peu de chose près les mêmes faits, alors qu’il faisait également un temps épouvantable. Il prétendait lui aussi avoir raccompagné une jeune femme jusqu’à la grille du parc et lui avoir prêté son parapluie. Cette jeune personne l’aurait aussi prié d’attendre qu’elle revienne avec le sien pour lui restituer son bien.

           
            - C’est étrange ... vous me dites que les conditions climatiques étaient identiques à cette nuit... relève Winter, perplexe.

            
            - Je vous prépare une tasse de thé professeur. Cela aidera peut-être à vous faire oublier notre emportement... propose cette fois la femme, devenue soudainement prévenante, invitant même son visiteur à pénétrer dans la salle à manger avec un geste d’insistance.

           
            Winter consulte rapidement son bracelet-montre...

            
            - Vous êtes très aimable chère madame ?...  observe-t-il en esquissant un sourire d’amabilité, butant volontairement sur le patronyme.

            
            - Devaux ... Monsieur et madame Devaux... se hâte de préciser le mari.

            
            - Je vous remercie de votre obligeance madame Devaux, mais j’ai déjà perdu un temps précieux et vous m’en voyez sincèrement navré. Je ne puis m’attarder davantage ... Tant pis pour ma gabardine. Il faut croire que cette jeune personne qui vous joue cette farce collectionne, à votre insu, les vêtements et les accessoires de pluie... présume Winter avec un sourire contraint... N’excluons toutefois pas la possibilité d’une plaisanterie d’un goût dirons-nous ... douteux. Mais enfin ...

            
            Sans autre commentaire, il s’est déjà hâté vers la sortie, lorsqu’il jette un œil oblique et distrait sur le bahut de la salle à manger … Il n’a pu retenir un tressaillement, tandis que son regard s’attarde sur l’une des photos encadrées qui garnissent le buffet. Fronçant les sourcils dans un tic qui lui est familier, il a marqué un temps d’arrêt. Ses hôtes de circonstance, sans comprendre, ont à leur tout dirigé leurs regards dans la même direction, sans toutefois interpréter la réaction étrange du professeur.

            
            - La jeune fille, sur cette photo !... s’étonne ce dernier en se penchant sur le portrait.

            
            L'ombre d'une profonde tristesse est passée dans les yeux gris du vieil homme et son visage s’est subitement creusé.

            
            - C’est notre petite Sarah... murmure-t-il, en étouffant un soupir haché.

            
            - Elle nous a quittés il y aura bientôt trente ans ... Elle est décédée dans un accident de la circulation... complète la femme d’une voix rendue rauque par l’émotion, détournant presque aussitôt son regard... Elle venait d’avoir ses vingt ans. Elle repose dans le petit cimetière, près de notre maison.

            
            Cette fois, le professeur a haussé les sourcils ... Sans en demander l’autorisation, il s’est emparé du cadre renfermant la photographie qui représente une jeune fille au sourire moqueur et insouciant, assise en amazone sur une moto.

           
            - Ou votre fille a une sœur jumelle, ou... extrapole-t-il en hésitant, détaillant les Devaux d’un œil indiscret par-dessus ses binocles.

            
            Les intéressés ont échangé des regards interdits et Paul Devaux considère tout à coup Winter d’un air interloqué.

            
            - Nous n’avons eu que cette enfant... murmure-t-il, la lèvre inférieure légèrement tremblante en exhalant un nouveau soupir.

            
            - Que voulez-vous dire professeur ?... s’étonne à son tour l’épouse.

            
            Un embarras marqué s'est dessiné sur le visage de Winter qui examine à présent la photographie avec une attention soutenue.

           
            - Cela va certainement vous paraître absurde, mais la personne qui se trouvait   tout à l’heure dans ma voiture ressemble à s’y méprendre à votre fille... finit-il par avouer avec une moue de tergiversation.

            
            La femme a pâli. Son époux a sursauté. Ils échangent maintenant tous deux des regards effarés.

            
            - C’est impossible... objecte ce dernier d’une voix étranglée... Vous avez... tente-t-il d’ajouter sans pouvoir terminer sa phrase, ses yeux gris semblant implorer une explication.

            
            Le désarroi s’est manifestement emparé du couple, visiblement paralysé par l’émotion. Le coup a été rude et difficilement encaissable, accentuant l’embarras du professeur. Celui-ci se trouve à présent dans la plus totale expectative, regrettant amèrement d’avoir ainsi jeté le trouble dans la demeure pour avoir remué involontairement des souvenirs depuis longtemps enfouis et par trop pénibles à évoquer.

            
            - J’avoue toutefois qu’avec l’obscurité... argumente-t-il alors gauchement avec une maladresse quasi étudiée, conscient de cette équivoque et tentant à présent de se reprendre avec un frisson de regret dans la voix... Et puis, il est vrai que cette jeune personne est restée de marbre durant le trajet. Nous n’avons échangé que quelques brèves banalités ... Après tout, j’ai très bien pu me tromper ... Et si vous me dites qu’elle était votre unique enfant ... Pardonnez mon erreur... finit-il par bredouiller, plutôt contrarié de s’être fourré dans une situation aussi délicate. Puis, après un ultime instant d’hésitation... Il est temps que je reprenne la route... argumente-t-il en toussotant... Fort heureusement, il ne me reste qu’une douzaine de kilomètres d’ici Montségur. Ravi d’avoir fait votre connaissance... ajoute-t-il en esquissant un sourire gêné, saluant ses hôtes occasionnels d’une main tendue, masquant maladroitement sa déconvenue. Puis, sans plus se faire prier, il s’est dirigé vers la sortie, suivi du couple qui semble à présent agir à la façon de deux automates, absent et le regard lointain, vide de toute expression.

            
            Trempé de la tête aux pieds, le professeur Winter a repris place au volant de sa Jaguar. La mine dubitative, son regard erre d’abord au hasard, épiant les alentours de la propriété. Puis, il détaille les environs avec une attention soutenue, guettant l’hypothétique apparition de la mystérieuse et audacieuse jeune fille. Mais l’endroit reste désert.

            
            Plus qu’à son tour partie prenante pour les intrigues et dévoré par une curiosité quasi pathologique, une étrange intuition vient de lui traverser l’esprit ...

            
            Les époux Devaux lui ont bien précisé que leur fille était enterrée dans le petit cimetière contigu à leur habitation ! Celui-ci doit donc se trouver dans le voisinage.

            
            Il se gratte pensivement la nuque, la mine réfléchie, étouffant trois ou quatre bâillements. Puis, avec des gestes lents trahissant sa perplexité, il a allumé sa courte pipe et contemple durant un instant les volutes de fumée bleue qui s’étirent paresseusement vers le plafonnier, en tapotant machinalement le cuir de son volant. Notre homme est visiblement intrigué, hésitant encore sur la décision à prendre, mais qui maintenant s’impose malgré l’heure avancée ... Dehors, la pluie a cessé de tomber ... Après une dernière hésitation et bien qu’il ne soit pas loin de vingt trois heures, son sens inné de la curiosité finit par prendre le dessus. Aussi se décide-t-il brusquement à en avoir le cœur net. Après avoir emprunté une lampe électrique dans le vide-poches, il abandonne une nouvelle fois son véhicule pour longer les murs du parc des Devaux.

            
            Il n’a parcouru qu’une cinquantaine de mètres, qu’il est déjà rendu devant l’entrée du cimetière. Les grilles sont ouvertes, mais les lieux ne sont pas éclairés. La nuit est noire, épaisse et inquiétante, aussi se glisse-t-il comme une ombre dans l’allée menant aux tombes.

            
            La silhouette sombre des arbres et la brise un peu forte qui agite les branches qui bruissent dans les ténèbres créent une atmosphère angoissante. On ne perçoit plus que le léger bruit de son pas qui crisse sur le gravier. C’est le cœur battant la chamade, qu’il est arrivé en vue des premiers tombeaux.

            
            Les pinceaux de sa lampe fouillent fébrilement l’obscurité. Impressionné par le silence et la solitude qui règnent dans l’endroit, il inspecte minutieusement chaque sépulture, à la recherche de celle portant le nom de Sarah Devaux … Mais il vient de tressaillir à l’approche d’un tombeau ... Il en reste même figé de saisissement ... Une boule d’angoisse lui bloque la gorge ... Ce n’est pas le patronyme gravé sur la pierre qui en est responsable. C’est le vêtement de pluie qu’il vient de reconnaître pour être le sien et qui recouvre le caveau sur lequel il lit avec stupéfaction ... « Ici repose Sarah Devaux. »


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  • Stephan LEWIS en dédicaces au FURET 

     

    Le  Mystère
    de 
    L'île des Géants

     

     

    RESUME -

    En se lançant sur les traces de Lord Roclam disparu mystérieusement dans le Mato-Grosso où il était parti six mois plus tôt à la recherche de la légendaire cité perdue du Grand Païtiti, la cité des Incas, Dany Ballantine et le professeur Joseph Winter ignoraient que cette surprenante aventure les entraîneraient, bien malgré eux, sur l’île de Pâques.
    Cette terre des géants allait les amener à percer le secret bien gardé de ses sentinelles de pierre aux faces énigmatiques, montant depuis toujours leur garde silencieuse auprès des volcans endormis.

    CHAPITRE I
     
       
            Juillet 1999

     

       
            – " Je sais où je vais et là, personne, jamais, n’est encore allé… Je dévoilerai les secrets de mon voyage quand nous reviendrons… Si toutefois nous en revenons… Ton père qui t’aime " -

     

       
            Tel est le texte du  message, que la jeune femme aux yeux d’un bleu intense, pétillant d’intelligence, vient de parcourir une nouvelle fois avant de le glisser dans la poche de sa veste en toile avec une certaine fébrilité.

       
            – Cela ne sert à rien de vous énerver Caro. Nous allons bientôt être rendus à destination. Nous en apprendrons certainement davantage par les Indiens. Certains d’entre eux ne doivent pas être sans savoir où se trouve votre père.

     

        
            Le conseil a été donné par un solide gaillard d’une quarantaine d’années au physique élancé, la chemise ouverte sur un torse musclé qui occupe la place principale du poste de pilotage du petit bimoteur piper-club de location.

     

       
            Ce dernier, répondant au nom de Dany Ballantine, ingénieur en électronique de son état, dirige d’une main experte l’appareil au-dessus des jungles vertes de l’immense forêt sauvage amazonienne qui, tel un gigantesque dôme, coiffe d’impénétrables mystères.

     

        
            – Il y a quand même plus de deux mois que papan’a plus donné de ses nouvelles !… rétorque la jeune femme, dont les formes parfaites et harmonieuses sont moulées par une tunique blanche serrée à la taille et qui chasse d’un geste irrité une mèche rebelle de sa longue chevelure blonde.

     

       
            Aux côtés du pilote, en pantalon léger et bras de chemise, le professeur Joseph Winter tire machinalement de temps à autre une bouffée de la courte pipe en écume qu’il tient entre les dents.

     

       
            Cet éminent archéologue sexagénaire de réputation mondiale, au front partiellement dégarni, sujet britannique à l’instar de ses deux compagnons de voyage, semble plongé dans ses pensées. Il observe d’un œil distrait la voûte semblable à une mer de verdure qui moutonne à l’infini, défilant inlassablement sous la carlingue de l’appareil, dont l’ombre se profile sur cet interminable tapis vert.

     

        
            – Je connais Ben depuis des lustres. Il n’est pas dans ses habitudes de se lancer dans une aventure sans lendemain… tente-t-il d’argumenter en toussotant, incommodé par la fumée de son brûle-gueule.

     

       
            – Avouez tout de même que ce silence qui perdure est alarmant… soupire Carolyn, visiblement rongée par l’inquiétude.

     

       
            Ils viennent de franchir la frontière indienne, la dernière zone limitrophe vers le Xingu. Ils comptent s’y rendre à la recherche de Lord Benjamin Roclam, colonel en retraite, parti six mois plus tôt à la découverte de la légendaire cité perdue du Grand Païtiti, la cité des Incas.

       
            – D’après la carte, nous ne devrions plus tarder à survoler le village des Kaïapos… indique Ballantine, après que l’appareil soit descendu à basse altitude.

     

        
            Une grande clairière rompant la monotonie de la forêt, se dessine presque aussitôt dans le paysage, telle une tâche perdue au sein de l’enfer vert. Ils survolent à présent un entassement de grandes baraques en planches aux toits de palmes, toutes identiques, formant un cercle parfait cerné par la jungle.

       
            Après une approche circulaire de reconnaissance, Ballantine a pesé sur les commandes afin d’amorcer sa manœuvre d’atterrissage. Le piper a viré sur l’aile pour glisser au ras des arbres en réduisant sa vitesse. Après avoir effectué un dernier crochet, il se pose en cahotant sur le petit terrain de fortune du poste-frontière couvert de flaques et de boue, où un autre avion paraissant dater des débuts de l’aéronautique est parqué sous un abri rudimentaire.

       
            Ils ont à peine posé le pied à terre, qu’un nuage de lucioles les environne. Quelques métis accompagnés d’Indiens, représentant certainement le comité d’accueil, se sont portés à leur rencontre pour les saluer avec empressement. Les indigènes, coiffés " au bol ", ont les cheveux teintés de rouge. Un Blanc d’une cinquantaine d’années tétant laborieusement un ninas, se trouve parmi le groupe. Grand et de forte corpulence, le casque tropical vissé sur le crâne, il a le visage tanné par le soleil et marqué de profondes rides verticales.

     

       
            – Bienvenue au Xingu !… lance-t-il dans un anglais parfait, avec une voix rocailleuse… Je suis le docteur Franck Wells, le médecin du village. Nous avons été avertis de votre arrivée par les autorités locales… précise-t-il encore en souriant.

     

       
            – Merci pour cet accueil docteur… se confond Ballantine en esquissant à son tour un sourire d’amabilité, tout en serrant la main tendue… Mon nom est Dany Ballantine. Et voici le professeur Joseph Winter. Nous accompagnons mademoiselle Carolyn Roclam… se presse-t-il d’ajouter, en désignant l’intéressée.

     

       
            – Ravi de faire votre connaissance… se réjouit Wells… Monsieur Diego Cortes est le responsable du poste-frontière… poursuit-il, en accentuant son sourire de complaisance, désignant le susnommé présent à ses côtés, aussi squelettique et transparent qu’une toile d’araignée… Quant à mon ami Rono, ici présent, il est le chef des Kaïapos... indique-t-il encore. 

     

        
            Ce dernier, revêtu de sa coiffe de couleurs et de sa robe de cérémonie, les salue on ne peut plus cérémonieusement, sous le regard impressionné de Carolyn. Il a le corps et le visage peints et des plumes de perroquets sont attachés à ses bras. A l’instar de ses compagnons, elle tente de ne pas laisser porter son regard sur le plateau en bois incrusté entre sa gencive et sa lèvre inférieure, qui lui distend horizontalement le bas de la bouche. Cette particularité est destinée à effrayer d’éventuels ennemis. Elle peut signifier, en outre, qu’il est guerrier par tradition.

       
            – Je suis le seul Britannique ici… précise Franck Wells… Tous ces gens ne s’expriment qu’en un portugais rudimentaire, mêlé d’espagnol. Mais je me débrouille.

     

       
            – Je pense que j’arriverai moi aussi à m’en sortir… sourit Winter… Je parle couramment l’espagnol et je bafouille quelques mots de portugais.

         
            – Parfait.. complimente le docteur... Cependant, si je puis me permettre, et pardonnez mon indiscrétion, mais vous savez, le coin n'attire pas particulièrement la race blanche et ... 

       
            – Nous sommes à la recherche de Lord Roclam… anticipe aussitôt Ballantine, sans lui laisser le soin de terminer sa phrase.

     

        
            – Ah oui, le colonel ! Je n’avais pas fait le rapprochement avec mademoiselle !

     

       
            – Carolyn est sa fille… précise Ballantine.

        
            – Il est venu pour la première fois dans le coin, il y a cinq ousix mois de cela… indique Wells.

     

        
            – Son dernier message remonte à plus de huit semaines… confie sans attendre la jeune femme d’une voix anxieuse, en se passant une langue rapide sur les lèvres.

       
            – Huit semaines, dites-vous ! Cela ne m’étonne pas. Ici je ne vois pas le temps passer. Mais … Je me rappelle en effet l’avoir revu il y a … disons deux mois. Il revenait d’une expédition avec son ancien aide de camp. Un certain Edwards. Ils étaient de retour au village pour refaire leurs provisions, après plusieurs mois éprouvants dans la jungle. Votre père en a sans doute profité pour vous faire parvenir de ses nouvelles. Depuis, nous ne les avons pas revus. Ils étaient visiblement pressés de retourner dans le Mato Grosso.

     

       
            L’appréhension commence à s’emparer progressivement de la jeune femme. Son charmant minois est déformé par l’angoisse et le docteur s’en est aperçu…

     

       
            – Ne vous inquiétez pas outre mesure… se reprend-il aussitôt… Si je me souviens bien, une vingtaine d’Indiens sont repartis avec eux dans la brousse. Ces indigènes connaissent mieux que quiconque la jungle amazonienne. Mais … maintenant que j’y pense et cela m’a paru étrange … Hormis le fait qu’ils aient emporté des vivres pour plusieurs semaines, votre père s’est fait livrer, par avion, plusieurs fusils de gros calibre. Or, exception faite des jaguars et des panthères, la jungle ne recèle aucun animal justifiant de cet armement. De simples carabines suffisent pour la chasse. Mais personne ici n’a osé lui en demander la raison. D’ailleurs, il est retourné dans la jungle aussitôt après avoir réceptionné les armes en question.

     

       
            Winter et Ballantine ont échangé des regards étonnés.

       
            – Il n’a donné aucune indication sur les lieux où il comptait se rendre ?… s’enquiert ce dernier, la mine réfléchie.

     

        
            – Vous savez, les gens d’ici ont pour habitude de ne pas poser de questions. Le colonel m’a simplement confié qu’il repartait pour le sud-ouest du Mato Grosso en remontant le fleuve. Ils auraient, d’après leurs dires, découvert une cité perdue, en un lieu encore ignoré de la civilisation. Les jungles du Mato Grosso recèlent pas mal de mystères. C’est vraiment une porte ouverte sur l’inconnu. Une zone où pas un seul Blanc, à ma connaissance, n’a encore mis les pieds.

     

       
            Winter et Ballantine ont tout de suite remarqué l’air affolé de leur compagne, affairée à se ronger les ongles, l’oreille attentive à la conversation et qui a levé sur eux un regard désemparé.

     

        
            – Nous comptons engager quelques Indiens… indique à présent Ballantine… Nous sommes ici pour retrouver le colonel et nous voudrions partir, nous aussi, pour ces contrées.

     

       
            – Du moment que vous les rémunérez correctement, les Kaïapos vous mèneront où que vous vouliez aller. Bien qu’ils ne se soient jamais aventurés dans les jungles perdues du sud du Mato Grosso.

     

       
            – C’est vrai qu’il y a tout de même une sacrée trotte… souligne Winter.

     

       
            – Ce n’est pas là le problème. Les Kaïapos ont l’habitude d’effectuer de grands déplacements en forêt. Mais cette zone, commeje vous le disais, recèle encore bon nombre de mystères. En outre, elle renferme de nombreuses tribus anthropophages, qui n’ont encore eu aucun contact avec notre civilisation. Mais enfin, je crois que vous réussirez à convaincre Rono pour qu’il vous donne quelques hommes. Le colonel y est bien parvenu.

       
            Ce disant, le docteur s’est tourné vers le chef indien, avec lequel il palabre durant quelques instants.

     

        
            – Il est d’accord… glisse discrètement Winter à l’oreille de son ami, ayant saisi la brève conversation entre les deux hommes, avant même que leur compatriote ne leur ait transmis la réponse.

     

       
            – Il accepte… confirme presque aussitôt Wells… Vous aurez ce que vous voulez, à la condition que vous lui remettiez deux cents dollars américains pour chaque individu qui vous accompagnera.

     

       
            La transaction leur paraissant honnête, il a aussitôt été entendu qu’une dizaine de guerriers les accompagneraient à travers la jungle.

     

     extrait de : Le mystère de l'île des géants de Stephan LEWIS 

        Le roman est disponible (envoi sous 24 h) directement sur sites internet grand public de VPC : ALAPAGE - AMAZON - LE FURET - LA FNAC -  CHAPITRE.com - EBAY - CDISCOUNT - ABEBOOKS -  CARREFOUR livres - LOUSONNA - EYROLLES - etc ... ainsi qu'en librairie traditionnelle -

     

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  • Le Secret des Pierres d'Ica

     Stephan LEWIS en dédicaces dans les Hyper AUCHAN

    Stephan  LEWIS

    Le Secret des Pierres d'Ica

    Who needs Nazca lines...Chandelier lines, Lima, Peru

     

    RESUME -
     
    « Cher ami... Je suis sur le point d'aboutir dans mes recherches, mais depuis qu’ils me traquent, ils sont parvenus à repérer l'endroit où je me trouve... Je vous confie les pierres d'Ica... Elles permettront de compléter les six tablettes de Nacaal... Je crains pour mon existence et il est impératif de les mettre en lieu sûr. Elles seules peuvent sauver l'humanité... Rejoignez-moi au plus vite, car le temps presse… Et méfiez-vous des Hommes en noir... Bonne chance... (signé) Javier Cabrera. »
    A la lecture du télégramme qui vient de lui être adressé, le professeur Joseph Winter et son ami Dany Ballantine, ignorent encore qu’ils vont être amenés à se déplacer à travers le temps pour percer le secret du crash de l’OVNI de Roswell le 2 juillet 1947. Parviendront-ils à résoudre cette énigme haletante qui a le plus passionné le public et qui continue à faire couler autant d’encre ?
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    CHAPITRE I 

     

              Montségur, Ariège … 3 juillet 1999 … 7 h 05 du matin

           
            Le professeur Joseph Winter, éminent archéologue britannique sexagénaire au front partiellement dégarni, est confortablement installé dans le salon de style anglais qui meuble la bibliothèque de sa superbe villa. En un mouvement trahissant sa perplexité, il tourne et retourne entre ses doigts une pierre ovalisée de couleur sombre aux arêtes arrondies. Elle fait partie de l’envoi des soixante quatre galets de dimensions identiques, que son ami et confrère, le professeur Javier Cabrera vient de lui faire parvenir de La Paz en Bolivie. Le texte de la dépêche qui a précédé la réception du colis et que Winter a relu pour la cinquième ou sixième fois consécutive, dénote la précipitation avec laquelle il a été rédigé.

           
            " Cher ami ... Je suis sur le point d'aboutir dans mes recherches, mais depuis qu’ils me traquent, ils sont parvenus à repérer l'endroit où je me trouve ... Je vous confie les pierres d'Ica ... Elles permettront de compléter les 6 tablettes de Nacaal... Je crains pour mon existence et il est impératif de les mettre en lieu sûr ... Elles seules peuvent sauver l'humanité... Rejoignez-moi au plus vite, le temps presse … Et méfiez-vous des Hommes en noir ... Bonne chance ... Amicalement ... Javier Cabrera "

           
            Tout en continuant de détailler la pierre qu'il avait entre les mains dont le poids trahissait une densité inhabituelle qui, à première vue, ne correspondait pas à sa taille, il méditait sur le fait que l'une de ses faces était gravée à l'image d'un poisson étrange.

           
            Dany Ballantine, un solide gaillard de 41 ans bâti en athlète, ami et compatriote de Winter, dont les cheveux noirs taillés en brosse couronnent un visage énergique aux yeux verts, surgit à l’instant dans la grande bibliothèque, l’interrompant dans ses pensées.

           
            - Hello professeur ! Belle journée en perspective !... lance-t-il joyeusement, en étouffant d’une main un dernier bâillement.

            
            - Déjà debout !... s'étonne Winter en serrant la main qui lui est tendue... J'avais prié Alexander de vous monter le petit déjeuner vers 8 heures.

           
            Le majordome du professeur, qui vient de pénétrer à son tour dans la pièce, ne lui laisse guère le loisir de répondre …

            
            - Bonjour monsieur Dany. Désirez-vous prendre votre breakfast dans le grand salon ?

            
            - Salut Alexander. Un jus de fruit suffira pour l'instant. Je pars faire mon jogging matinal.

            
            Ballantine a tout de suite remarqué le paquet postal ouvert sur le bureau du professeur, dont le contenu dévoile les étranges cailloux. Avant que sa curiosité ne soit davantage mise à l'épreuve, Winter lui confie aussitôt celui qu'il a entre les mains.

           
            - Que pensez-vous de ceci ?… lui demande-t-il, la mine réfléchie. 

              
            Et sans ajouter un mot, il semble attendre la réaction de son ami.

            
            - Cette gravure et ces dessins sont surprenants !... murmure ce dernier après l'avoir examiné avec une attention soutenue.

            
            Puis, sans y être invité, il s’est saisi d'un autre galet d'aspect aussi étrange et mystérieux que le premier, dont le symbole gravé représente cette fois une pyramide.

            
            - J'ai reçu ce paquet il y a une demi-heure à peine... précise Winter… C’est de mon ami le professeur Javier Cabrera … Ce pneumatique m’est pratiquement parvenu en même temps que le colis… ajoute-t-il en lui soumettant la missive.

           
            - Il semble courir un danger imminent... note aussitôt Ballantine... Il prétend être sur le point de faire une découverte importante !

             
            - En effet... relève Winter... Ses travaux ont toujours été axés sur les mystères de l'origine de la vie.

             
            - Quelles sont ces tablettes de Nacaal auxquelles il fait allusion ?… poursuit Ballantine en se caressant machinalement le menton… Et que peut bien signifier cette mise en garde concernant ces hommes en noir, ainsi que ce danger que semblerait courir l'humanité ?

             
            - J'ignore qui sont ces gens mentionnés dans son message... indique Winter avec une moue de perplexité… Par contre, il m'avait à maintes reprises entretenu sur les recherches qu'il avait entreprises pour retrouver les Tablettes de Nacaal. Ces tables de pierre seraient, paraît-il, recouvertes d'une écriture alphabétique et énigmatique. Elles seraient censées révéler l'origine de l'humanité.

            
            - Si votre ami est réellement en danger, il faut lui venir en aide !… anticipe déjà Ballantine... Pourquoi ne pas lui téléphoner ! Vous gagneriez du temps et cela nous permettrait d'éclaircir rapidement cette énigme. Tout au moins en partie !

             
            - C'est un cabochard et un sédentaire... argumente Winter avec un soupir haché... Malgré mes éternelles recommandations, il n'a jamais prétendu se faire installer le téléphone. Il a toujours tenu à s'isoler, afin de pouvoir se consacrer entièrement à ses recherches dans la solitude la plus complète.

            
            - Où demeure-t-il ?

             
            - C'est un Bolivien. Il habite La Paz. Vous voyez que ce n'est pas la porte d'à côté !

            
            Dans un geste synonyme d'une grande perplexité, Ballantine s’est passé une main ouverte dans sa courte brosse.

           
            - Si vous êtes de mon avis professeur, il n'y a pas un instant à perdre. Vous vous devez de répondre à l'invitation de votre confrère et ami. Et si vous le permettez, étant donné les circonstances, je vous accompagnerai.

             
            Il n’en aura pas fallu plus pour décider Winter. Après avoir prié son majordome de préparer leurs bagages, il a aussitôt contacté l'aéroport de Perpignan afin de réserver un prochain vol pour l’Amérique du Sud.

           
            Entre-temps, Ballantine est monté dans sa chambre renseigner Peluche, un robot des plus perfectionnés ayant l’apparence d’un gorille. Sa taille frise les 2m50 et sa dénomination exacte est Z 24. C’est Ballantine qui lui a donné cet amusant sobriquet. Les Lunariens qui voyagent dans l’espace-temps et viennent de l’an 2210, lui en ont fait don en reconnaissance de la réussite de ses précédentes missions qu’ils lui avaient confiées. Ballantine étant lui-même originaire de l’année 2032, mais s’étant définitivement cantonné dans le présent du professeur Winter, devenu son inséparable compagnon d’aventures.

           
            L'androïde, pour des raisons évidentes de discrétion, attendra leur retour dans la villa.

            
            Le départ est prévu pour 16 h 27. Ils ont donc tout le temps pour se préparer et se rendre dans un bureau de change.

     

    *          *          *

     

     CHAPITRE II

           
            Le lendemain, 4 juillet 1999 …

     

              
            Ils ont décollé à l’heure prévue et le vol s’est déroulé sans incident. Il est un peu plus de dix heures du matin avec le décalage horaire, lorsque leur appareil se pose sur l’aéroport de La Paz.

              
            Sitôt après avoir récupéré leurs bagages, un taxi les emmène au 827 Cerro Rico, où demeure le professeur Javier Cabrera. Winter, qui parle couramment l'espagnol, langue officielle des Boliviens avant l’aymara et le quechua, ayant indiqué l'adresse au chauffeur.

               
            A cette heure de grande affluence, la ville de La Paz, siège du gouvernement bolivien et capitale de fait du pays, est en pleine effervescence. Bâtie à 3700 m d'altitude entre le lac Titi caca et le massif de l'Illimani, c'est la plus élevée des grandes villes du monde. L'artère principale est déjà passablement encombrée. De nombreux cyclistes imprudents zigzaguent en gymkhana entre les automobiles, faisant craindre l’inévitable accrochage à chaque instant. Malgré les coups répétés de Klaxon visant à les rappeler à l’ordre, leur chauffeur ne parvient toutefois pas à les intimider et encore moins à freiner leur ardeur des plus acrobatiques. La plupart sont des Indiens au costume extrêmement typique, revêtus de ponchos ou d'amples manteaux, malgré la chaleur qui règne à l'intérieur du pays. Ils portent presque tous des chapeaux à bords très étroits et les femmes arborent de longues robes aux couleurs vives et bariolées. Elles sont coiffées, elles aussi, du caractéristique chapeau des Indiens.

              
            Le véhicule vient de bifurquer sur la droite, avant de s'immobiliser devant l'un des nombreux immeubles et le conducteur leur indique qu'ils sont parvenus à destination.

               
            Sitôt après avoir réglé la course, un ascenseur les a emmenés vers le cinquième étage.

               
            Ils sont maintenant, bagages en mains, devant le n° 827…

              
            Un coup de sonnette, suivi immédiatement d'un second, puis bientôt d'un troisième les impatiente. Malgré l'obstination dont ils continuent de faire preuve, la porte ne s'est toujours pas ouverte.

               
            - Il s'est certainement absenté pour faire une course... hasarde avec réserve Ballantine.

              
            - Cela n'est pas dans ses habitudes... objecte le professeur... C'est Conchitta, sa femme de ménage, qui s'oblige à toutes ces contraintes. Comme je vous le disais, c'est un casanier. Il vit en ermite et ne sort pratiquement pas de chez lui.

               
            Winter ne dissimule toutefois pas sa contrariété, aussi Ballantine lui suggère-t-il de se renseigner auprès de la conciergerie.

              
            Les portes de l'ascenseur se sont de nouveau ouvertes sur le rez-de-chaussée. Après avoir repéré le logement du gardien, ils sonnent à la porte… 

              
            Une petite femme brune et grassouillette ne tarde pas à faire son apparition, les dévisageant avec une insistance exagérée. Le professeur, après avoir décliné son identité, entreprend aussitôt de la questionner.

              
            Au terme de quelques minutes d'un échange fastidieux d'une conversation des plus animées, assortie d'une démonstration de gestes des plus convaincants, Winter s’est tourné vers son ami ...

               
            - Cette femme me disait que deux hommes l’avaient interrogée, il y a une heure à peine, au sujet de Cabrera ! Ils désiraient savoir où le trouver. Elle leur a confirmé qu'il ne quittait pour ainsi dire jamais son appartement.

              
            - Demandez-lui si ces hommes étaient des étrangers et s'ils n'étaient pas, par hasard, habillés de noir... relève pensivement Ballantine.

              
            Le professeur a aussitôt repris son interrogatoire …

              
            Avant que ne lui soient traduites les paroles de la Bolivienne, Ballantine remarque  que tout en dialoguant cette fois avec empressement, elle a acquiescé de plusieurs signes de tête à la question qui lui était posée. C'est donc sans la moindre surprise qu'il recueille la confirmation du professeur, étonné et visiblement inquiet.

               
            Après avoir remercié la concierge, ils décident de patienter dans l'un des nombreux bars des alentours où ils attendront le retour du Bolivien.

               
           Ils sont bientôt attablés sous un ventilateur poussif, au milieu d'une cohue indescriptible et d'un charivari assourdissant, mêlant à la fois les conversations et le chahut des consommateurs. Ils se sont fait servir un coca, boisson typiquement originaire de la Cordillère des Andes. Ce breuvage permet, paraît-il, aux montagnards de marcher six jours sur les pentes les plus abruptes où, d'habitude, on perd le souffle en raison de la raréfaction de l'air. De cette mixture et du cola qui pousse en Afrique, les Américains ont tiré le Coca-Cola bien connu, au goût un peu pharmaceutique.

               
            - Pour en revenir à ces hommes en noir dont a fait mention la gardienne, il est probable que votre ami se soit justement enfui après leur visite, en ayant eu la prudence de ne pas leur ouvrir... avance Ballantine, perplexe.

               
            - C'est plausible... grimace Winter avec un air de contrariété... Mais Cabrera n’ignorait pas que je répondrais rapidement à son invitation. Je reste même persuadé qu'il avait certainement envisagé que je sauterais dans le premier avion.

               
            - Que peuvent donc bien lui vouloir ces mystérieux hommes en noir qu'il semble apparemment redouter ?… médite encore Ballantine en se caressant pensivement le menton.

               
            Mais ils ont brusquement interrompu leur conversation … Deux individus d’allure officielle et tirés à quatre épingles, viennent de prendre place à leur table sans même y avoir été invités.

              
            Winter et Ballantine, pour le moins surpris, leur retournent des regards étonnés autant qu’interrogateurs, ne sachant manifestement comment réagir …

              
            - Vous êtes bien le professeur Joseph Winter?… questionne brutalement et à brûle-pourpoint l’un des deux inconnus d'une voix sèche et désagréable, sans autre formule de politesse, semblant même ignorer volontairement la présence de Ballantine.

              
            Ce dernier a tressailli en remarquant l'étrange tenue des deux arrivants … Veste et pantalon noirs, cravate noire. Leurs visages sont en partie dissimulés par un chapeau mou comme en portent les ecclésiastiques, avec les bords intentionnellement rabattus sur le front.

              
            - C'est bien moi, en effet !... s'effare le professeur, pris de court par cette interpellation pour le moins inattendue et de surcroît en ces lieux où personne n'est censé le connaître.

              
            - Nous sommes des agents de renseignement de la Royal Air Force... prétend aussitôt le second individu, en exhibant rapidement son laissez-passer officiel.

              
            - Je me nomme Jefferson. Et voici Davis... reprend le premier homme en désignant son compagnon d’un mouvement de tête.

              
            - Nous savons que vous êtes ici dans le but de rencontrer le professeur Javier Cabrera et que vous êtes en possession de certaines pierres... indique le dénommé Davis avec une évidente certitude dans la voix.

             
            Winter, pris une nouvelle fois à l'improviste, semble déconcerté. Il a levé un regard désemparé sur son ami, ne sachant manifestement que répondre.

              
            - De quelles pierres voulez-vous parler ?…s'interpose cette fois ce dernier, sur le ton de l’irritation.

              
            Les deux hommes le dévisagent avec étonnement. Ils ne semblent pas saisir de quel droit intercède cet inconnu, qu'apparemment ils ignorent depuis leur arrivée.

              
            - Qui êtes-vous pour vous mêler de nos affaires ?… lui réplique d’un ton sec le dénommé Davis, qui n’a pu réprimer un geste d’agacement en le considérant d’un œil glacé.

              
             - Peu importe mon nom. Cela ne vous regarde en aucune manière !… s’emporte à présent Ballantine avec un mouvement d’humeur… Sachez néanmoins que je suis un ami du professeur. De quel droit lui posez-vous toutes ces questions ?…

              
            - Notre mission consiste à récupérer ces pierres ... insiste Jefferson, mais d'une voix devenue subitement mielleuse, certainement affecté par son intervention.

              
            - Pour que nous vous les remettions, il faudrait que nous les ayons...! tente à présent d'argumenter Winter, qui semble avoir retrouvé un soupçon d'assurance.

              
            - Faites taire votre hypocrisie professeur. Nous savons parfaitement que votre ami et confrère Javier Cabrera vous a fait parvenir ces cailloux à votre résidence de Montségur... souligne Davis avec une aigreur ironique et dont la hargne semble faire partie intégrante du personnage.

              
            Winter a de nouveau retourné un regard dérouté vers Ballantine. Mais ce dernier ne laisse pas l'occasion au professeur de se justifier davantage.

              
            - Nous ignorons de quoi vous voulez parler… réplique-t-il sur un ton devenu percutant… Il est vrai que nous sommes venus rendre une visite de courtoisie à un ami, mais cela n'est pas votre affaire. Maintenant et au cas où vous persévéreriez dans votre indiscrétion, je me verrais dans la désagréable obligation de vous dissuader une fois pour toutes de nous importuner !

              
            Et ce disant, il s’est redressé comme un ressort, dévoilant sa carrure athlétique.

              
            L’avertissement semble avoir été correctement interprété, car les deux autres, cette fois, n’ont pas fait mine d’insister. Après un salut froid et rapide, Davis, tout en quittant la table avec son acolyte, a toutefois marqué un léger temps d’arrêt.

              
            - Ne vous inquiétez pas messieurs. On se reverra !… lance-t-il sèchement.

              
            Encore sous le coup de l'émotion et de la surprise, Ballantine prend soudainement conscience de l'aspect extrêmement étrange de ces importuns et inquiétants personnages.

              
            - Vous avez remarqué leur accoutrement, professeur !… résume-t-il, à l’instant où les deux autres quittent le bar.

              
            - Les hommes en noir dont parlait Cabrera dans son télégramme !... réalise ce dernier d'une voix chevrotante, les sourcils en accents circonflexes.

              
            - A n'en pas douter… opine Ballantine, la moue réfléchie… Mais vous avez certainement constaté que bien que la coupe en soit très démodée, leurs vêtements, par contre, semblaient curieusement neufs ! Et bien qu'ils aient tenté de dissimuler partiellement leurs visages, j'ai cru percevoir que ces curieux bonshommes étaient totalement chauves. Et qui plus est professeur, ni l'un, ni l'autre, n'avaient de sourcils, ni de cils ! Détail plus curieux encore, j'ai dénoté chez ces deux personnages comme un air de famille, comme une évidente ressemblance !

              
            - Ce qui est incompréhensible,... s’effare encore le professeur... c'est le fait que ces individus paraissent si bien renseignés et possèdent des informations à ce point détaillées à mon sujet ! Ce n'est sûrement pas Cabrera qui leur a confié qu'il m'avait expédié les pierres !

               Extrait de : Le Secret des Pierres d'Ica - 
                   de Stephan LEWIS
                  

     

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    l'image de couverture a été réalisée par Sylvia TROLETTI

     

              


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